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CAP
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capitalisme ce qui fait sa puissance : son capital, dans le but de l’exploiter librement au bénéfice de tous.

Les économistes bourgeois ne sont pas sans voir le danger, et cherchent à détourner le cours de l’orientation capitaliste. Ils n’y arriveront pas, il est trop tard. Le capitalisme est perdu. Surpris lui-même par la rapidité de son extension, il a tout détruit sur son passage et s’est livré à une centralisation qui l’étouffera. Et pourtant il ne peut pas revenir en arrière. Obligé, pour vivre, en période de désaxage économique, de faire face aux exigences toujours grandissantes des classes laborieuses, il constate qu’il lui est Impossible de subsister s’il n’accorde pas aux travailleurs, surtout dans les pays de production intensive, un bien-être relatif, qui assurerait une paix momentanée, et lui permettrait de reprendre du souffle.

Et déjà les grands seigneurs américains consentent à accorder à leur prolétariat certaines satisfactions économiques, à la condition que celui-ci abandonne la prétention d’établir un ordre nouveau.

En vérité, le problème serait résolu, provisoirement toutefois, si le capitalisme n’était pas comme nous l’avons dit plus haut, animé par des intérêts qui se combattent, et n’était pas obligé pour la circonstance, surtout dans des pays comme la France, l’Italie ou l’Espagne, de sacrifier une grande partie des petits industriels, des petits commerçants, dont les intérêts particuliers dépassent les intérêts de classe, et qui ne veulent pas servir d’agneau pascal sur l’autel du capitalisme.

Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, rongé à l’intérieur, luttant à l’extérieur, le capitalisme est arrivé au point culminant de sa trajectoire et après son ascension rapide commence sa descente effrénée. Certains sociologues, préconisent une nouvelle forme de capitalisme, qui assurerait l’égalité économique de tous ; le Capitalisme d’État. (Voir : Collectivisme, Socialisme, Bolchevisme.)

Les Anarchistes sont contre tout capitalisme, même d’État. Ils conçoivent que celui-ci ne peut s’élever que sur les piliers de l’Autorité. Par l’établissement de la Commune libertaire, ils espèrent rénover l’humanité et élaborer une société de libre production et de libre consommation où l’individu ne sera plus soumis à l’emprise d’un oligarchisme qui emprisonne les facultés et détruit toute liberté d’expansion et d’extension sociale. ― J. Chazoff.


CAPITALISTE. (la classe). Fraction de la collectivité qui détient toute la richesse sociale. Minorité qui possède tout le capital. Je ne connais dans l’État que trois classes d’homme : les salariés, les mendiants et les voleurs. (Mirabeau.)

En réalité, la société peut se partager en deux camps : d’un côté, ceux qui peinent, qui souffrent, pour arracher à la matière brute ce qui est indispensable à la vie de l’homme ; et, de l’autre, ceux qui prélèvent sur ce travail, sans avoir dépensé aucune énergie utile, la plus grande partie de la richesse produite. Ces derniers composent la classe capitaliste.

De même que le capitalisme a pris la place occupée antérieurement par la féodalité ; les capitalistes ont remplacé, dans l’ordre économique et politique, les seigneurs d’antan. Ils représentent la nouvelle noblesse : la noblesse d’argent. S’ils ne peuvent se réclamer de leurs ascendants et se réclamer de leurs titres nobiliaires, par la transmission même des richesses acquises, par le jeu de l’héritage, ils forment une noblesse héréditaire qui se perpétue et donne naissance à un esprit de caste, de race, de classe.

Les économistes bourgeois présentent comme un axiome que chacun, par le travail et l’économie, peut,

dans nos sociétés démocratiques, sortir de sa situation inférieure et acquérir non seulement le bien-être, mais la fortune. Il serait presque inutile de souligner cette erreur intéressée. S’il est vrai que, de nos jours, aucune loi n’interdit à quiconque de faire fortune, la classe capitaliste est, en fait, aussi impénétrable pour le plébéien, le travailleur, que ne l’était l’ancienne noblesse, du fait même que la richesse ne fut et ne sera jamais la conséquence du travail, de l’honnêteté et de la sobriété, mais le produit de l’exploitation et du vol.

Les capitalistes forment donc bien une classe, à la tête de laquelle se trouve une aristocratie qui dirige, en leur nom, tous les rouages économiques, administratifs et politiques de la Société.

La ploutocratie exerce une telle ascendance sur le monde moderne, que, dans les pays où l’esprit du peuple est encore subjugué par les mots et les titres ronflants ― telle l’Angleterre ― le monarque ne manque jamais d’ennoblir un capitaliste influent. En France, déjà au xvi et xvii, les gros commerçants étaient considérés comme étant d’essence supérieure, et Louis XIV, le roi Soleil, déclara les marchands en gros capables d’être revêtus des charges de secrétaire du roi « ce qui donnait la noblesse ».

Maîtresse absolue des moyens de production, la classe capitaliste subordonne toute la population du globe. Seule détentrice de la fortune publique, seule, elle a la possibilité d’instruire et d’éduquer les enfants issus de sa classe, et c’est ce qui explique que tous les hommes occupant un poste élevé sur l’échelle sociale, travaillent à son profit : à leurs profits.

Malgré l’illusion démocratique (voir Démocratie), elle gère, à sa guise, à sa fantaisie et selon ses intérêts momentanés, tout ce qui a trait à l’économie et à la politique. Les gouvernants sont des pantins à sa solde et les parlements sont à plat ventre devant-elle, et toutes les lois sont élaborées à son avantage. En plus de son argent et des stocks de marchandises accumulées, qui peuvent lui permettre, dans une certaine mesure, d’attendre et de résister durant les périodes de trouble ou de révolte prolétarienne, elle a, pour se défendre, toutes les organisations policières, militaires, juridiques, pénitentiaires, dont la seule raison d’être est de faire respecter la propriété et les privilèges accaparés par le capitalisme. La grande Presse, ce poison quotidien qui déverse lentement, le mensonge et l’erreur dans le cerveau humain, est une arme terrible dont elle se sert à merveille pour étouffer tout sentiment de libéralisme ou de fraternité ; et le savant, le philosophe, le penseur, qui refusent de se prostituer à la cause de la classe capitaliste, sont impitoyablement écrasés et acculés à la misère la plus atroce.

Tout appartient à la classe capitaliste, rien ne lui échappe. Elle est un centre d’attraction pour tout ce qui peut être une source de bien-être moral et matériel et détruit ou tente de détruire tout ce qui peut présenter à ses yeux une menace immédiate ou future.

Si Louis XIV disait : « L’État, c’est moi ». La classe capitaliste peut dire : « Le Monde, c’est moi ».

Devant cette puissance colossale, établie sur des siècles et des siècles d’ignorance, de servilité et de servitude, certains se demandent s’il sera un jour possible d’en ébranler les assises et d’en finir, une fois pour toutes, avec la cupidité et l’impudence de cette minorité qui entrave l’évolution et arrête la marche en avant de l’humanité.

C’est un lieu commun de dire, que la classe capitaliste n’est forte que de la faiblesse de la classe ouvrière ; c’est cependant la vérité la plus simple.

Par la vitesse acquise, la classe capitaliste se main tient encore, mais elle chancelle sur ses bases. Une