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BIO
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cause, qui ou qu’est-ce qui créa Dieu ? Ignorant le commencement, connaissons-nous la fin ? Où va ce monde incommensurable, constellé d’astres lumineux, parcouru par un soleil flamboyant contre lequel se blottit une terre frileuse et frémissante ? Mais va-t-il quelque part ? Ne lui suffit-il pas d’exister beau, puissant, formidable, énigmatique ? Causalité et finalité ne sont-ils pas les reliquats de l’infirmité mentale où l’ignorance condamnait les ancêtres ?

La science n’explique pas ; elle travaille, observe, enregistre, expérimente, réfléchit, modifie et augmente. Elle étudie et provoque des actions, prévoit et influence des réactions, suit des enchaînements, établit le déterminisme des choses, en renouvelle souvent la formation dans des conditions et en un temps donnés. La science, manifestation de mouvement, est de la vie.

Après avoir agi, chacun peut rêver devant l’infini, le peupler des créations de son imagination, y voir des fantasmagories célestes ou infernales. ― En anarchie, comme dans la vie, tout songe est mensonge. ― Dr  Elosu.

BIBLIOGRAPHIE — J. Anglas. ― Les grandes questions biologiques depuis Darwin jusqu’à nos jours, in-16, 128 p. Stock. (1924).

Edmond Perrier. ― La terre avant l’histoire, in-8o, 414 p. Collection L’Évolution de l’Humanité, La Renaissance du Livre, 1920.

Berthelot. ― Article Vie, de La Grande Encyclopédie.

Rémy Perier. ― Cours élémentaire de Zoologie, in-8o, 900 p. Masson et Cie, 1925.

Jean Perrin. ― Les Atomes, in-18, 296 p. Alcan, 1913.

G. Matisse. ― Les Sciences Naturelles, in-16, 160 p. Payot, 1921.

Félix le Dantec. ― Éléments de Philosophie Biologique, in-18, 297 p. F. Alcan, 1908.

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H.-G. Wells. ― Esquisse de l’Histoire Universelle, traduction française de Ed. Guyot, in-8o, 580 p. Payot, 1925.

Biologie. ― Je voudrais faire ressortir l’énorme importance que la biologie, cette science relativement jeune, mais ouvrant des perspectives splendides, devra certainement acquérir pour les sciences et les problèmes théoriques et pratiques d’ordre social et sociologique.

La Biologie (bios signifiait vie chez les anciens grecs), est la science de la vie. Elle scrute les plus grandes profondeurs, les origines mêmes de ce grand mystère : la vie ! Elle cherche à le dévoiler jusque dans ses derniers éléments, à saisir son essence, à comprendre son mécanisme compliqué. Elle analyse les phénomènes et les processus de la vie, dans leurs détails et dans leur ensemble.

Or, l’homme lui-même, sa vie individuelle, son existence sociale, ne sont que des parcelles de la vie générale : multiples manifestations des mêmes grands phénomènes et processus. Il est donc évident que les faits généraux, fondamentaux, inhérents à la vie comme telle, s’appliquent aussi à l’homme, à sa vie individuelle, à son existence sociale.

Une fois établis, ces faits pourront, enfin ! projeter une lumière claire, précise, sur plusieurs problèmes sociaux essentiels, mais restant toujours encore obscurs et vagues.

Le côté faible de la sociologie, comme science, ainsi que de toutes les conceptions et théories sociales, y compris le marxisme et l’anarchisme, est justement, ce fait qu’elles ne peuvent pas encore s’appuyer solidement sur une base biologique générale, définitivement acquise, scientifiquement établie.

Le marxisme a substitué à une telle base la conception

économique de l’évolution et de l’histoire humaines. (Au temps de Marx, la biologie, comme science, n’existait, pour ainsi dire, pas encore). Mais cette prétendue « base économique », est loin d’être la véritable base profonde, fondamentale, de l’existence et de l’évolution humaines. Elle n’est, elle-même, qu’un élément dérivé, secondaire, dont les sources profondes gisent dans les faits d’ordre biologique.

L’homme étant, tout d’abord, un phénomène biologique, sa vie et son évolution ayant pour base fondamentale des faits et des « lois » d’ordre biologique, c’est dans la biologie générale et dans la biologie de l’homme qu’il faut chercher les premiers éléments, la véritable solution des problèmes d’ordre social.

Telle est la vérité importante, aujourd’hui indubitable, que nous devons constater avec la plus grande netteté et fermeté.

Quelques illustrations, à titre de précision.

Depuis longtemps, les sociologues sont conscients de l’importance capitale de l’hérédité et de ses lois pour la vie et pour les problèmes sociaux. Jusqu’à ces derniers temps, les multiples auteurs sociaux qui s’occupèrent de la question, la traitèrent presque exclusivement au point de vue sociologique. C’était d’ailleurs fort excusable, car les biologues eux-mêmes n’y voyaient pas clair. Mais actuellement, à la lumière des expériences et des découvertes commencées dans les années soixante du siècle passé, par G. Mendel (Autriche), reprises et continuées par Correns (Allemagne) et les autres, il est évident que le problème de l’hérédité est avant tout un problème biologique, et que toute œuvre qui n’en tiendrait pas compte, ne serait que balbutiement enfantin.

Le grand problème d’éducation sociale, ne pourrait être traité de nos jours quelque peu sérieusement, sans tenir rigoureusement compte de certains faits biologiques acquis.

En général, il est aujourd’hui absolument clair, pour quiconque est au courant des faits, que toute conception ou construction sociale n’ayant pas ses racines et ses sources vives dans la biologie, serait édifiée sur du sable.



Les sciences sociologiques (Voir : Sociologie) en général et, partant, les conceptions sociales, se trouvant encore dans un état assez primitif, ― les deux principales d’entre ces conceptions : le marxisme et l’anarchisme, ne pourraient être considérées à l’heure actuelle autrement que comme hypothèses, c’est-à-dire des thèses qui ne sont pas encore scientifiquement et définitivement établies.

Le marxisme, se basant sur l’économie et se prétendant, de ce fait, scientifiquement satisfait (il s’appelle même : socialisme « scientifique » ), ne prête pas suffisamment attention aux faits ni aux sciences biologiques. C’est son grand tort. C’est sa plus grande faiblesse.

L’anarchisme, lui, est-il conscient de l’importance fondamentale des phénomènes biologiques pour le grand problème social ? En tient-il compte ? Peut-être, pas suffisamment encore. Mais ce qui importe et ce qui est certain, c’est que l’anarchisme perçoit bien la voie de recherches juste, l’indique, l’ouvre, l’a même en partie atteinte.

L’un des plus grands services que Kropotkine ait rendus à la science et au mouvement social, est peut-être précisément d’avoir maintes fois constaté et souligné l’importance, la nécessité même, de la méthode des sciences naturelles pour les sciences sociales (contrairement à la méthode dialectique du marxisme), d’avoir désigné la biologie comme base naturelle et féconde des recherches et des conceptions sociales, d’avoir même conçu et exposé une étude très intéressante destinée à faire reposer la conception anarchiste sur une certaine base biologique (dans son œuvre : « L’entraide comme