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ADU

Que, déçue, privée des plus légitimes caresses, elle recherche auprès d’un autre que son conjoint les satisfactions passionnelles qu’elle en attendait, et il se trouve excusable, de par la loi française, de l’abattre à coups de revolver, alors même que sa conduite ne se trouverait point exempte de galantes aventures. L’épouse, elle, ne bénéficie de la même mansuétude que lorsque l’acte a eu lieu dans son logis.

Le Code pénal français condamne la femme adultère à la prison et à l’amende, sans considération des circonstances dans lesquelles le délit a été commis. Par contre, le mari adultère n’est répréhensible aux yeux du législateur que lorsqu’il a entretenu une concubine au domicile conjugal. Encore ce forfait ne lui vaut-il qu’une simple amende, sans emprisonnement. Dans tous les autres cas, il se tire d’affaire blanc comme neige, sans avoir risqué autre chose qu’une instance en divorce.

Ces dispositions inéquitables ne sont que les vestiges d’un long passé d’injustice, pendant lequel la femme fut jugée, en matière de concubinage, comme la principale, sinon comme la seule responsable du méfait dans tous les cas, l’homme, même marié, n’étant appelé à partager son sort que lorsqu’il est convaincu d’avoir séduit pour son agrément l’épouse d’un voisin.

Cette différence de traitement proviendrait-elle de l’inégalité des désirs, de ce que chez la femme les rapports sexuels seraient chose superflue, dont il est loisible de se priver sans grand effort, alors qu’ils représenteraient pour l’homme une impérieuse nécessité ?

Une telle prétention est sans fondement sérieux. La femme n’est pas moins portée à l’amour que l’homme. Sa timidité naturelle et les contraintes de son éducation la rendent seulement plus réservée dans l’expression de ses vœux les plus chers. Et la crainte de conséquences graves, dont l’homme n’a guère à pâtir, la fait plus que lui hésiter en présence d’un peu de bonheur offert.

Ce n’est ni dans un raisonnement désintéressé, ni dans de vertueux scrupules qu’il faut rechercher l’origine des dispositions légales ou des coutumes barbares prises contre les épouses adultères et leurs complices, mais dans des considérations beaucoup plus mesquines.

L’homme a pour lui la force physique ; la femme a contre elle les charges de la maternité, qui, faisant d’elle une infirme pendant une partie de l’existence, l’obligent à rechercher près de son compagnon aide et protection, avec, en plus, des moyens de subsistance qu’il lui serait difficile de se procurer par son seul effort.

L’homme a spéculé sur cet état de choses pour faire payer d’une dépendance presque absolue ses services. Il a fait de la femme une esclave plus ou moins choyée, ou maltraitée, qui lui doit obéissance en échange de l’entretien. Il s’est réservé, notamment, le privilège de procéder à la confection des lois, et il les a rédigées pour son plus grand avantage.

Père de famille, il est plein d’indulgence pour les escapades de ses fils, car les enfants que ceux-ci pourraient avoir au dehors ne risquent pas, d’ordinaire, en raison de la difficulté d’établir la paternité, de devenir une charge pour le budget familial. S’il est rigoureux pour les filles et les surveille étroitement, c’est que les enfants qui pourraient être, par elles, mis au monde, ne pouvant être désavoués, risqueraient d’en causer une très lourde, et c’est ce que l’on ne pardonne guère.

Époux, il considère comme un achat en bonne et due forme l’acceptation par lui de garantir le nécessaire à sa compagne. Aussi, la veut-il toute à lui, c’est-à-dire vierge, et, pour éviter les tourments de la jalousie, entend-il se réserver l’exclusivité de ses caresses. S’il consent au sacrifice d’élever une progéniture qui

portera son nom et profitera de ses biens, encore ne

le veut-il qu’à la condition expresse qu’elle soit tout entière de ses œuvres.

De là à poursuivre de sa vengeance exaspérée, comme les plus criminels des larrons, la femme qui, nourrie de son pain, a osé disposer de ses charmes en faveur d’un autre, et l’homme qui, introduit dans le logis conjugal, a porté la main sur une propriété qui n’était pas la sienne, il n’est qu’un faible espace à parcourir.

Ces considérations de commerçant avisé sont à l’origine des moralités conventionnelles en matière d’union des sexes. Pour les rendre dignes de vénération, on les a élevées à la hauteur d’ordonnances divines. Elles ont fourni le prétexte à un nombre incalculable de drames, à la fois pitoyables et grotesques.

Le remède n’est pas seulement dans une éducation meilleure, avec un respect plus grand de la personne humaine, et de son légitime droit, sans distinction de sexe, de disposer d’elle-même sous sa responsabilité propre. Il est encore et surtout dans l’abolition des héritages, la socialisation des richesses naturelles, permettant une assistance sociale fraternelle, garantie par tous à chacun, dans les périodes d’existence ou, par suite de l’âge, de la maternité, ou de la maladie, il devient impossible à l’être humain de fournir une somme de travail correspondant aux multiples besoins d’une honnête aisance.

Devant son bien-être et sa sécurité à la société tout entière, et non pas seulement à quelques-uns de ses représentants : le mari, les ascendants, la femme ne sera plus dans la nécessité de se subordonner à leurs volontés sous peine d’abandon.

Ce ne sera point la disparition de la famille basée sur le pur amour et les libres affinités, la seule qui soit respectable, mais la désagrégation définitive de celle qui, aux temps des combats meurtriers pour la possession des richesses et de la pâture, fut établie sur la violence et l’intérêt.

Jean Marestan.


ADULTÈRE adj. et n. m. (du latin préfixe ad et alter, un autre). Une personne est dite adultère lorsqu’elle viole la foi conjugale. Employé comme substantif, l’adultère désigne la violation de la foi conjugale. Voyons tout d’abord l’opinion du droit bourgeois sur l’adultère : l’adultère peut servir de base à une demande en divorce, en séparation de corps, en désaveu de paternité. Le mari seul peut porter plainte contre sa femme et réciproquement. Cette faculté est retirée au mari s’il est convaincu d’avoir entretenu une concubine dans la maison conjugale. La loi excuse le meurtre de la femme adultère et de son « complice » par le mari, s’il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale ! La femme adultère poursuivie peut être condamnée à un emprisonnement de trois mois à deux ans, si le mari ne consent à la reprendre ; le « complice » est passible de la même peine et d’une amende de 100 à 200 francs. Le conjoint divorcé pour adultère peut épouser son « complice ». On voit, par ce qui précède, que la loi bourgeoise d’aujourd’hui n’est guère moins barbare que celle du moyen-âge, ou encore que celle de la Russie d’avant la Révolution de 1917, où la femme adultère, entièrement nue, était chassée du village, par le mari, à coup de fouet. C’est une honte, à notre époque, de voir l’adultère considéré comme un crime. La loi en est encore à considérer la femme comme la propriété personnelle du mari. C’est là une de ces situations intolérables contre lesquelles les anarchistes ne cesseront de s’élever. Chacun doit avoir le droit de disposer de son corps à sa guise et n’a de compte à rendre à personne. C’est pour cela que les anarchistes repoussent le mariage légal comme ils re-