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que l’homme ne peut s’adapter dans une nation autre que la sienne ou que tout au moins cette adaptation sera toujours artificielle et peu profonde. Leur raisonnement est trop intéressé pour qu’on puisse l’accepter ainsi qu’ils le voudraient. Si, jusqu’à ce jour, les hommes éprouvent de grandes difficultés à s’adapter dans un pays qui leur est étranger, si les hommes fraternisent encore difficilement par dessus les frontières, la faute en est justement aux nationalistes qui se plaisent à allumer entre les peuples de fictives querelles et qui aiment à dresser entre eux des frontières de haine ou d’incompréhension. Pourtant, les nationalistes conquérants n’hésitent pas, à l’occasion, à faire annexer à leur pays des contrées de langue et de mœurs différentes. Et cela prouve le peu de cas qu’ils font eux-mêmes de leurs arguments sur l’impossible fusion des races et des peuples. Lorsque les travailleurs se décideront à n’être plus les victimes des diplomates, ils s’apercevront que rien ne s’oppose véritablement à une fraternité large entre les nations. Et ils pourront mutuellement s’adapter aux mœurs et à la mentalité du voisin. Le seul obstacle à une compréhension complète : la langue, disparaîtra vite par l’emploi d’une langue internationale.


ADMINISTRATION n. f. Action de diriger ; de conduire, de coordonner dans l’ensemble les affaires publiques ou particulières. Dans le privé, chacun administre ses affaires comme il lui plaît, quitte à encourir les sanctions que comporte toute dérogation aux lois et règlements. Du point de vue national et international, l’Administration publique est, dans son acception la plus large, l’ensemble des pouvoirs et fonctions qui gèrent la commune, le département, la nation et qui fixent les rapports d’un pays avec les autres pays. C’est cet ensemble de dispositions, de manières d’être, d’attitudes, de relations qui déterminent ce qu’on appelle couramment la politique intérieure et extérieure d’un État. En principe, chaque administration a pour objet de diriger, en vue de l’intérêt de tous, les grands services publics : état civil, finances, police, justice, armée, enseignements, travaux publics, commerce, postes, transports, agriculture, etc., etc. En réalité, l’Administration — qui se confond avec la bureaucratie (voir ce mot), laquelle en est l’expression pratique, fait peser sur tous le poids écrasant des impôts, des tracasseries, des inquisitions, de la surveillance et des condamnations. Toutes les administrations sont hiérarchisées à l’excès, en descendant d’un ministère et d’une direction générale jusqu’aux agents subalternes. L’administration est la forme anonyme que prend le Pouvoir central pour réduire, sous couleur de protection, à la plus minutieuse servitude tous les habitants d’un pays. Voici ce qu’en dit, sous la signature d’André Girard, le dictionnaire La Châtre : « Quand le pouvoir autocratique déclina, la puissance de l’administration s’accrut. Elle est la réalisation de cette puissance despotique qui s’appelle l’État. Elle n’est que la marque hypocrite de la tyrannie ; car elle se revendique, en démocratie, de la volonté nationale, tandis qu’elle n’est que l’ensemble des rouages qui broient et annihilent cette volonté. On ne peut faire un pas dans la vie sans être tributaire de cette administration : la naissance, le mariage, la paternité, la mort sont, pour celle-ci, l’occasion d’autant d’actes signés, paraphes, légalisés, authentifiés, enregistrés, que l’on prétend réclamés par l’intérêt de la Société. À quelque rang de l’échelle sociale qu’on se trouve place, quelque profession, commerce ou industrie que l’on exerce : agriculteur, manufacturier, commerçant, elle se trouve constamment devant nous, derrière nous, ou à côté de nous, nous enserrant dans les milles rets

dans lesquels elle immobilise les énergies et paralyse les initiatives. Le préjugé qui fait d’un état civil rigoureux le critérium de la civilisation est une des pires aberrations qui aient jamais frappé l’esprit humain. L’État Civil n’a d’autre effet que d’enchaîner l’individu, plus étroitement qu’il ne l’a jamais été, d’en faire un numéro, un rouage à la merci du pouvoir, lequel n’est, lui-même, que le serviteur de la ploutocratie. Avec leur enregistrement méticuleux, leur état civil, leur administration indiscrète et tracassière, les sociétés modernes étouffent l’individualité au profit d’une classe d’oppresseurs. Il y a lieu de s’étonner que tant de personnes croient indispensable au bon fonctionnement de la société cette lourde machine qui écrase les forces vives d’un peuple. Cependant, l’administration et les fonctionnaires et agents qui la composent n’accomplissent rien de surnaturel ou de particulièrement spécial. Tout ce qu’ils font ne pourrait-il être fait, en chaque ordre de choses, directement par les intéressés eux-mêmes ? La suppression de l’État — qui n’est qu’une répartition sur une foule de têtes du pouvoir royal d’autrefois, ce qui en augmente considérablement le poids — aurait l’immense avantage, tout en nous débarrassant d’une foule d’oisifs et d’inutiles, de remettre entre les mains de chacun la gestion de ses propres intérêts. Or, ne sommes-nous pas, chacun en ce qui le concerne, plus aptes que qui que ce soit, à discerner ce qui nous est le plus profitable ? En nous débarrassant de ce joug écrasant, nous réaliserions d’immenses économies et nous verrions nos affaires opérées désormais dans le sens de nos véritables intérêts. »

On confond assez souvent, à tort, les mots : Administration, Gouvernement, Régime. Le Gouvernement dirige la chose publique : il ordonne. Le Régime est la régie, la ligne de conduite définie, fixée par le Gouvernement, le mode politique sous lequel on vit : par exemple, le régime républicain, monarchique, constitutionnel, libéral, dictatorial, socialiste. L’administration est la manière de mettre pratiquement à exécution ce qui est ordonné par le Gouvernement et édicté par le Régime.


ADMIRATION n. f. (préf. ad. vers et lat. mirari, regarder). Attirance quasi-instinctive vers tout ce qui est beau et sympathie profonde pour tout ce qui est utile et vivant. Il sied d’admirer les beaux gestes, les pensées grandes et élevées. Admirons le courage, la sincérité et la véritable indépendance. Admirons, en un mot, tout ce qui est digne d’être admiré et ne marchandons pas, alors, notre admiration : accordons-la largement et sans restrictions. Laissons les si et les mais, les distinguos, les arguties et toutes les considérations, de pacotille aux constipés, aux pédants, aux pygmées. Ne privons pas de notre admiration ceux qui la méritent. Mais ne la galvaudons pas, ne la gaspillons pas sur ce qui est inexistant ; ne la prodiguons pas sans motifs suffisants. Refusons-la aux pleutres, aux renégats, aux gouvernants. Faisons un choix dans nos sentiments admiratifs. Gardons-nous d’imiter, dans cet ordre d’idées, la foule ignorante, la multitude trompée par les apparences. Pas d’admiration pour les galons conquis dans le sang des champs de bataille ; pas d’admiration pour les « prélats enchasublés » qui ne doivent la vénération qui les entoure qu’à la somme d’impostures qu’ils incarnent ; pas d’admiration pour les millionnaires dont l’opulence se mesure aux privations et aux humiliations qu’ils ont férocement imposées à leurs exploites ; pas d’admiration pour les hommes d’État dont chaque pas vers le Pouvoir qu’ils ambitionnent marque une palinodie, un revirement ou une trahison ; pas d’admiration pour les faux savants et les faux artistes ; pas d’admiration pour les « Grands Hommes »