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Dieu, l’intelligence est une qualité, donc Dieu nous donne l’intelligence, donc Dieu existe. De même pour nos idées claires ou de sens commun. De même pour nos pensées supérieures. Un moment de réflexion suffirait à un enfant pour découvrir la faiblesse d’une telle argumentation. C’est toujours la pétition de principe. L’évêque de Cambrai commence par admettre le dessein d’un être supérieur, au lieu de nous prouver que cette intelligence suprême existe.

Un autre argument tout aussi ridicule, c’est celui de la beauté du corps humain : « Si la tête était moins grosse elle n’aurait aucune proportion avec le reste de la machine. Si elle était plus grosse, outre qu’elle serait disproportionnée et difforme, elle accablerait le cou et courrait le risque de faire tomber l’homme du côté où elle pencherait un peu trop. » L’auteur ne connaissait pas tous les animaux monstrueux : le plésiosaure, le ptérodactyle, etc., à qui on a donné le nom absurde d’antédiluviens et qui ont probablement existé pendant des milliers d’années, tant que les situations climatériques leur ont permis de se nourrir quoique leurs corps, selon nos idées modernes, soient disproportionnés et mal conditionnés. Après avoir lu Fénelon, aucun lecteur intelligent ne manquera de reconnaître qu’il n’y a trouvé nulle preuve valable de l’existence de Dieu.

Les preuves dites métaphysiques ne valent pas mieux. L’apologiste catholique J.-J.-Auguste Nicolas, dans ses Études philosophiques sur le Christianisme (4 volumes in-8o, 1842-45) souvent réimprimés, croit avoir découvert une nouvelle preuve de l’existence de Dieu. Pour lui la meilleure démonstration de cette existence c’est que l’homme a conçu l’idée même de la divinité. Toute autre idée se rapporte à la matière, qualités et défauts, beauté, laideur sont toujours le résultat d’une comparaison tacite, or Dieu ne peut-être comparé à rien. Cet argument est fallacieux car pour l’immense majorité des êtres qui ont cru ou qui croient encore à Dieu, cette déité est bien un être ou, comme le dit la Bible, un Dieu vivant, — il n’y a que les êtres matériels qui soient doués de la vie. Ce n’est qu’assez tard que l’esprit humain s’est élevé, si l’on peut parler ainsi, à l’idée d’un esprit qui, même alors était doué de toutes les fonctions de l’être humain. Écoutez deux chrétiens discuter, ils vous parleront de l’œil de Dieu, du doigt de Dieu, de la main de Dieu, de l’esprit de Dieu, de la volonté de Dieu, de la colère de Dieu, etc.

Les apologistes chrétiens donnent comme preuve de l’existence de Dieu l’idée d’infini qu’a l’homme. Or, l’homme, en général, ne raisonne pas sur l’infini, seuls les mathématiciens se rendent compte, et encore assez imparfaitement de l’infini. Pour le théiste, Dieu est fini puisqu’il est limité par l’univers, ou pour le croyant par la terre et le ciel, c’est-à-dire par les nuages et l’atmosphère. Comme il est impossible que deux corps puissent occuper le même espace, Dieu ne peut exister s’il est infini, puisque la matière est limitée et que l’esprit infini devrait être limité par l’espace occupé par la matière.

Un argument très souvent employé, c’est l’affirmation de la reconnaissance universelle par les êtres humains de l’existence de Dieu. Or, les voyageurs modernes ont découvert de nombreuses tribus qui n’ont aucune idée d’un être supérieur gouvernant la terre et les cieux. Le grand ouvrage du savant Frazer (Le Rameau d’Or), donne bien des exemples de cette absence complète de connaissance d’un dieu. Les Bouddhistes véritables, qui sont athées, se comptent par millions ; les disciples de Confucius ne connaissent pas non plus de dieu. Parmi les savants modernes, il est rare de trouver un théiste. Tous les vrais savants comme Berthelot, Lalande, Laplace, Tyndall, Huxley, Haeckel, Ostwald, etc., sont, ou nettement athées, ou

positivistes ou agnostiques, les deux derniers déclarent que puisque l’esprit humain ne saurait arriver à découvrir les causes premières, ils s’abstiennent de s’en occuper. Or, comme ils n’admettent pas un Dieu selon l’idée ordinaire, et la définition générale, ils sont en réalité athées pour les théistes.

Descartes, dans son Discours sur la Méthode, après avoir fait table rase de toutes les théories philosophiques enseignées avant lui, recule devant les conséquences de sa négation, finit par admettre l’existence d’un Dieu, sans pouvoir toutefois le définir, il se base sur l’existence des causes et effets, démonstration qui revient à celle de Fénelon, il dit : « Nous sommes assurés que Dieu existe parce que nous prêtons attention aux raisons qui nous prouvent son existence. Mais après cela il suffit que nous nous ressouvenions d’avoir conçu une chose pour être assurés qu’elle est vraie, ce qui ne suffirait pas si nous ne savions pas que Dieu existe et qu’il ne peut être trompeur. » De nouveau pure assertion, mais aucune preuve.

J.-J. Rousseau, déiste comme Voltaire, donne deux preuves de l’existence de Dieu :

1o L’idée du premier moteur ou l’origine du mouvement, et 2o l’autre, celle des causes finales. Nous savons à présent que tout dans l’univers est en mouvement, que toutes les molécules des corps sont retenues ensemble par le mouvement de ces molécules et que pas n’est besoin d’un être supérieur pour entretenir ce mouvement et le diriger ; c’est une loi immuable de la nature. Les découvertes (Becquerel, Curie, Le Bon, Rutherford, Carnot, Meyer, Herz, Helmholz, Roentgen, Fresnel, etc.), l’ont surabondamment démontré. La preuve dite des causes finales revient à dire que Dieu créa l’univers pour servir à l’homme, c’est ce que prêchent les théologiens. Quelques philosophes ont osé déclarer qu’ils ignoraient complètement le but de Dieu. Les athées répondent : l’univers n’a aucune destination et ne peut en avoir.

Preuves qu’on trouve dans les traités de théodicée employés dans les lycées :

1o La loi morale qui dicte ses arrêts dans le sanctuaire de la conscience suppose un législateur. Nous ne sommes pas les auteurs de cette loi, le plus souvent en désaccord avec nos penchants. Ce législateur c’est Dieu ; donc Dieu, etc.

2o La sanction de la loi morale, insuffisante ici-bas, suppose une sanction ultérieure, qui, elle-même ne saurait avoir lieu sans un juge suprême, rémunérateur et vengeur. Ce juge, c’est Dieu donc.

3o Nous avons l’idée de perfection ; or, cette idée implique l’existence, car une perfection à laquelle il manquerait l’existence serait une perfection imparfaite, ce qui est absurde, cette perfection, c’est Dieu donc, etc.

4o Tout ce qui est rigoureusement renfermé dans l’idée d’une chose doit en être affirmé ; or, l’existence actuelle est renfermée dans l’idée d’être nécessaire, donc il existe un être nécessaire : Dieu.

5o Tout attribut suppose une substance qui ne peut être moindre que l’attribut lui-même ; or, l’éternité et l’immensité sont des attributs infinis ; donc ils supposent une substance infinie (Newton, Clarke).

Le Dr  Carret (Démonstrations de l’Inexistence de Dieu), analyse les preuves données par Saint Anselme, Saint Thomas d’Aquin, Gastrell, La Luzerne, Newton, Clarke, Hancock, Woodward, etc., mais il fait comprendre tout le vide des prétendues preuves.

Retournons aux arguments contre l’existence de Dieu ; on ne peut les appeler preuves puisque l’on ne peut prouver une négation, comme nous l’avons déjà dit, mais on peut prouver que l’idée d’un Dieu tout puissant et tout bon est absurde.