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dieux en font des êtres humains supérieurs. Le Nouveau Testament dit que Dieu est esprit, ce qui ne veut rien dire, car pour la plupart des hommes, la lumière, la chaleur sont des esprits, tandis que ce ne sont que des manifestations des mouvements de la matière. Ce qu’en psychologie, on appelle esprit n’est qu’une des fonctions du cerveau, donc une manifestation de la matière. Dieu serait donc matériel, chose aussi absurde que possible.

Voyons à présent ce que pensent de Dieu quelques écrivains remarquables : Le grand inventeur Th. A. Edison a dit : « Dieu ? Un être suprême, assis sur un trône accordant aux individus humains une paix éternelle ou les condamnant à des châtiments sans fin pour ce qu’ils ont pu faire ou manqué de faire sur la terre ? Cette pensée me paraît aussi fallacieuse que répugnante… Aucun des dieux des différentes théologies n’a jamais été prouvé… Je n’ai jamais vu la plus légère preuve scientifique des théories religieuses sur le ciel et l’enfer, sur la vie future pour les individus, ou de l’existence de Dieu. » (Columbian Magazine, Janvier 1911.)

Le Jéhovah du Pentateuque était un meurtrier, un bandit, il aimait les offrandes de chair humaine. Les dieux d’Homère étaient lascifs et dépravés. Les dieux des sauvages sont simplement des chefs sauvages. Dieu est donc une image de l’esprit (Winwood Reade, Martyrom of Man (Le Martyre de l’Homme). Le grand physiologiste américain L. Burbank a dit : « Le ciel et l’enfer des croyants n’existent pas. Ils ne pourraient exister s’il y avait un maître tout-puissant et juste. Aucun criminel ne pourrait être aussi cruel qu’un Dieu qui plongerait les êtres humains dans l’enfer. »

« Cherchez les annales du monde entier, découvrez l’histoire de toute tribu barbare, et vous ne trouverez aucun crime qui soit descendu à une plus grande profondeur d’infamie que ceux que Dieu a commandés ou approuvés. Pour ce Dieu, je ne trouve pas de mots pour exprimer mon horreur et mon mépris, et tous les mots de toutes les langues seraient à peine suffisants. » (Ingersoll.)

L’un des plus grands poètes, Shelley, a écrit : « Tout esprit réfléchi doit reconnaître qu’il n’y a pas de preuve de l’existence d’une déité. Dieu est une hypothèse, et comme telle a besoin de preuve. L’onus probandi est à la charge des théistes (c’est-à-dire ce sont les théistes qui doivent prouver cette existence). » (Shelley.)

Cette idée (l’existence de Dieu) a empêché les progrès de la raison. » (d’Holbach.)

« S’il y a un Dieu, nous lui devons notre intelligence, mais notre intelligence nous dit clairement qu’il n’y a pas de Dieu. Donc Dieu nous dit qu’il n’y a pas de dieu. » (Rabindranath Tagore, grand poète hindou.)

« L’Homme est le dieu d’aujourd’hui, et la crainte de l’homme a remplacé la vieille crainte de Dieu. » (Max Stirner.)

Les théistes, tout en ne s’entendant pas sur la signification de leur Dieu, s’accordent fort bien pour attaquer l’athéisme. La Bible a déjà dit : L’insensé a dit dans son cœur : « Il n’y a pas de Dieu. » Le philosophe Cousin, l’un des protagonistes de la philosophie officielle sous l’Empire, a dit que l’athéisme était impossible. D’autres voudraient faire croire que l’athéisme conduirait nécessairement au malheur et au crime. Cependant, Voltaire, déiste et adversaire de l’athéisme a dit : « Le chancelier de l’Hôpital, athée, n’a fait que de sages lois, il n’a consulté que la modération et la concorde ; les fanatiques (c’est à dire les croyants, pour Voltaire), ont commis la Saint-Barthélemy ; Hobbes, athée, mène une vie tranquille et innocente ; les fanatiques de son temps inondèrent de sang l’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande ; Spinoza était, non seulement athée, mais il enseigna l’athéisme et ce ne fut

pas lui assurément qui prit part à l’assassinat de Barneveldt…, ce ne fut pas lui qui déchira les deux frères de Witt en morceaux et qui les mangea sur le gril. Peuplez une ville d’Épicures, de Protagoras, de Desbarreaux, de Spinoza, peuplez une autre ville de jansénistes et de molinistes, dans laquelle, croyez-vous qu’il y aura plus de troubles et de querelles ? » Voltaire a dit aussi : « Il est beaucoup plus agréable de passer sa vie auprès des athées qu’avec les superstitieux. L’athée, dans son erreur, conserve sa raison, qui lui coupe les griffes, mais le fanatique est atteint d’une folie perpétuelle qui aiguise les siennes. »

Un apologiste du christianisme, le pasteur James Buchanan, dans son livre Faith in God and Modern atheism compared (La foi en Dieu et l’athéisme moderne comparés) divise les diverses variétés d’athéisme en quatre classes.

1o L’hypothèse aristotélique, qui affirme que l’ordre actuel de la nature ou le monde tel qu’il est constitué à présent existe de toute éternité et qu’il n’aura jamais de fin.

2o L’hypothèse épicurienne qui reconnaît l’éternelle existence de la matière et du mouvement et qui attribue l’origine du monde, soit avec Épicure à un concours fortuit d’atomes, soit avec des savants modernes à une loi de développement progressif à l’évolution.

3o Le système stoïque qui affirme la coexistence et la coéternité de Dieu et du monde, représentant Dieu comme l’âme du monde, ni antérieur au monde, ni indépendant de lui, et soumis, comme la matière, aux lois du destin.

4o L’hypothèse panthéiste qui nie la distinction entre Dieu et le monde. Selon ce principe, l’univers est Dieu et Dieu est l’univers.

Nous avons déjà parlé du panthéisme, il nous suffira de dire que le panthéisme, quoique apparemment plus logique que le théisme ou le déisme, n’est qu’une hypothèse aussi peu démontrable que le théisme pur. La difficulté d’expliquer l’origine de la matière est aussi grande, soit qu’on appelle celle-ci Dieu, soit qu’on en fasse une émanation de la déité ; ce n’est qu’une logomachie, malgré le génie de philosophes comme Spinoza qui ont soutenu le panthéisme.

La théorie stoïque n’est, après tout, qu’une forme du panthéisme, avec, peut-être, moins de base solide que celui-ci.

Il ne reste guère que les théories d’Aristote et d’Épicure, qui forment vraiment la base des sciences physiques modernes, toutes fondées sur l’atomisme bien que les savants actuels aient poussé plus loin que les anciens l’étude des atomes, dont chacun peut se diviser en des millions de parcelles, tout en restant de la matière en mouvement. Ces atomes, ces ions, sont absolument indépendants d’une volonté supérieure dans un ciel inexistant.

« L’athéisme moderne se présente, dit le Grand Larousse, avec une originalité, une profondeur, une puissance logique, un génie que les âges antérieurs n’ont pas connus. Ce n’est plus une sorte d’anomalie dans le développement historique, mais le terme d’une lente évolution de l’humanité, évolution théologique, évolution scientifique, Il se pose hardiment comme l’affranchissement suprême de l’esprit, l’expression la plus haute de la dignité et par là même, de la conscience humaine. Il nous montre la science écartant les hypothèses qui ne sont pas susceptibles de vérification, substituant les lois aux causes, les propriétés aux forces ; la logique renversant la méthode qui déduisait le monde physique et le monde moral d’un Dieu antérieurement défini, n’acceptant d’autre critère que l’accord de la raison et de l’expérience, la morale dorénavant instituée, indépendante de toute institution divine, relevant des lois inhérentes à la nature