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Einstein écrit que le temps que met un train à passer d’une station à une autre est plus court pour les voyageurs du train que pour celui qui, de la station, le regarde passer.

En supposant donc qu’un homme puisse s’éloigner de la Terre pendant un siècle à raison de 30 kilomètres par seconde, ce voyageur hypothétique aurait, après un siècle, 16 secondes de moins que les autres habitants de notre Terre, quittée par lui. Si pendant cent ans, au lieu de faire 30 kilomètres par seconde, il avait pu faire 300.000 kilomètres, comme la lumière, il y aurait après un siècle, entre lui et les habitants de notre globe une différence d’âge de 1 jour 20 heures 26′ 40″ et notre voyageur serait de 1 jour 20 heures 26′ 40″ plus jeune que ses co-terriens d’autrefois. C’est ce fait qu’Einstein a appelé l’intervalle des événements. Cet intervalle des choses, dans l’espace-temps à quatre dimensions, constitue, d’après lui, une sorte de conglomérat de l’espace et du temps, un amalgame des deux, qui nous fournirait une représentation impersonnelle de l’Univers.

En admettant maintenant, très irrévérencieusement pour Einstein, des vitesses dépassant celle de la lumière, on peut très bien envisager un tel enchevêtrement du temps et de l’espace, qu’à une certaine allure le temps et l’espace seraient en voie d’identification, de stabilisation dans une sorte d’immortalité.

Certainement l’idée de l’immortalité personnelle défie le bon sens parce que les atomes qui nous constituent, même s’ils devaient après mort se reformer et se joindre pour produire de nouveaux êtres conscients, s’amalgameraient avec des atomes étrangers et ces êtres ne sauraient pas avoir conscience d’avoir partiellement vécu en nous sous d’autres conditions et d’autres cieux ! Toute la nature souffle sur les feux follets d’immortalité personnelle qu’allume en nous l’effet reflexe de notre instinct de conservation, créateur de nos rêves étoilés de résurrection et de vie éternelle !

Mais l’homme évolue et progresse, l’humanité évolue, les astres évoluent, pourquoi les cieux, la succession des étoiles et l’éther, leur commune origine, n’évolueraient et ne progresseraient-ils pas, la matière étant une et indivisible partout ?

Écartons la légende du Diable et de Dieu, du mal illimité et de la perfection absolue, qui obstrue millénairement notre entendement.

Avouons notre ignorance qui nous fait perdre pied en raisonnant sur tout ce qui est antérieur et postérieur au jet de lumière terne qu’est encore notre existence que semblent encadrer deux nuits éternelles.

Notre théorie des atomes, divisibles à l’infini mais probablement liès par la continuité, échappe également à notre compréhension contemporaine.

Néanmoins, le chaos et le mal mondial diminuent avec l’évolution… et la conscience et l’harmonie s’étendent. Nous constatons que, dans l’Univers, qui se gouverne lui-même sans maîtres, par des forces inhérentes à la matière éternellement en gestation, il y a déjà une harmonie merveilleuse dans le mouvement de tous ces astres dont les lumières se rencontrent sans s’absorber et dont les orbites s’entrecroisent souvent sans qu’il y ait, pour ainsi dire, jamais d’accident. C’est là le gage précieux de réalisation du grand rêve de Liberté, d’Égalité, de Fraternité, du bonheur d’une immortalité de plus en plus consciente et harmonieuse du Grand-Tout.

Frédéric Stackelberg.


ATAVISME. n. m. Il ne faut pas confondre atavisme avec hérédité et employer indifféremment un mot pour l’autre comme on le fait souvent. L’atavisme n’est, en effet, qu’une forme ou plutôt une variété de l’hérédité.

Elle est si peu l’hérédité toute entière, dans le sens complet du mot, que la force représentée par le mot

« atavisme » se trouve en lutte continuelle avec l’hérédité directe.

Prenons l’homme pour exemple : alors que l’hérédité lutte pour transmettre directement au descendant les qualités acquises ou innées du père et de la mère, l’atavisme tend à lui donner celles du grand-père, de la grand-mère, des collatéraux et cela en remontant plusieurs générations. Il n’est pas rare, en effet, de voir un enfant ressembler à son arrière grand-père ou même à son trisaïeul. L’atavisme agit beaucoup moins dans le sens collatéral d’oncle à neveu. Mais cette force peut faire sentir son action jusqu’à des origines bien plus lointaines et cela pour la race comme pour l’individu, C’est ainsi, par exemple, qu’on trouve parfois, parmi les hommes blancs d’aujourd’hui, des types dont le crâne reproduit franchement celui de l’homme moustérien qui vivait il y a environ cent mille ans. Il n’est pas rare de voir, aux colonies, et même en Europe, des familles où, d’un père et d’une mère blancs, naît un enfant au teint de mulâtre ou même complètement noir, sans qu’on puisse mettre en cause le facteur adultérin. En remontant un nombre plus ou moins grand de générations, on trouve toujours, dans ce cas, un ancêtre de couleur.

L’atavisme peut également agir dans le domaine de la pathologie en transmettant par exemple au petit-fils ou à l’arrière petit-fils la maladie ou la tare morbide de son aïeul ou de son bisaïeul, maladie et tare dont se trouve exempt l’ascendant direct : le cancer, l’obésité, la goutte, le diabète, et par dessus tout la folie et autres affections nerveuses sont dans ce cas.

D’après certaine doctrine biologique, pourtant contestée, les qualités, aptitudes intellectuelles et morales seraient aussi soumises à l’action de l’atavisme.

On peut donc définir l’atavisme une force qui tend à faire réapparaître chez les êtres vivants des caractères absolument étrangers aux parents immédiats.

Cette force dont le rôle est considérable dans la formation des espèces, s’exerce non seulement chez l’homme mais dans tout le règne animal et dans le règne végétal. Elle est ainsi une des nombreuses preuves de l’unité absolue du phénomène vital.

Certains biologistes prétendent que les phénomènes d’atavisme sont plus fréquents chez les animaux que chez les végétaux.

Quoi qu’il en soit, tous s’accordent aujourd’hui pour reconnaître que l’hybridation produit, en matière d’atavisme, les mêmes résultats en botanique qu’en zoologie ; l’atavisme ramène toujours, au bout d’un temps plus ou moins long, le produit de l’hybride — quand celui-ci est fécond, et il ne l’est pas toujours — au type primitif.

En zoologie, les cas d’atavisme, c’est-à-dire de retour au type primitif, les plus connus sont ceux des produits de la brebis et du bouc. L’ovicapre, né de cette hybridation, peut se reproduire pendant plusieurs générations, mais si on l’accouple avec une brebis ou un bouc, le produit est nettement brebis ou bouc.

Il en va de même pour le serin et le chardonneret, autre exemple commun et frappant.

Considération philosophique. — On ne fait pas en criminologie une place suffisante à l’atavisme. Dans la recherche et le dosage de la responsabilité, on ne tient compte que de l’hérédité directe ; les médecins spécialistes ne déterminent et ne mesurent cette responsabilité que d’après l’examen immédiat de l’inculpé ; rares sont ceux qui font entrer en ligne de compte l’hérédité indirecte, il n’en est pas un seul qui songe à scruter les générations passées, ce qui serait pourtant possible quelques fois, et conforme à la justice, hélas ! bien relative des hommes. — P. Vigné d’Octon.