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revenu, de l’intérêt de l’Argent et, partant, celle de l’Argent lui-même et du Régime Social qui lui assure pleins pouvoirs.

Abusant de l’ignorance des pauvres en matière de placement (les « sans-argent » n’ont rien à placer et ne perçoivent pas le mécanisme de la rente, de l’intérêt et du revenu), les juristes et économistes bourgeois ne manquent pas de prétendre que « les cent mille francs de rente », que l’enfant dont il est parlé plus haut a trouvés dans son berceau, sont le fruit et la récompense du travail accompli et des économies réalisées par ses ascendants.

Nous répliquons : « C’est un mensonge. Il n’y a jamais eu, il n’y a pas de producteur qui, sur son travail personnel, sur son salaire, ait eu, ait la possibilité de vivre, d’élever sa famille et d’épargner une telle fortune. Il n’a pu amasser cet argent que par le vol ou l’exploitation. Celui qui travaille aux champs ou à l’usine et qui vit de sa production a déjà grand mal à équilibrer le maigre budget de sa famille ; voulût-il épargner et s’y appliquât-il opiniâtrement, il ne pourrait économiser que fort peu d’argent et encore faudrait-il qu’il ne fût jamais malade ou sans travail et qu’il s’imposât, au détriment de sa santé et de celle des siens, les plus dures privations. Au surplus, dans l’hypothèse que l’argent mis de côté par lui ait été réellement le fruit de son travail personnel et le résultat de ses économies, il n’en reste pas moins que du jour où ses héritiers mis en possession de cet argent ont grassement vécu dans la fainéantise, ils n’ont pu le faire qu’en prélevant sur le travail productif des autres de quoi faire face à leurs dépenses. Et ce prélèvement est proprement un vol. »

En réalité et au fond, toutes les personnes avisées et réfléchies se rendent compte des méfaits et des forfaits dont l’Argent porte la responsabilité. La plupart approuvent le réquisitoire que les révolutionnaires prononcent contre l’Argent et les conséquences scélérates qu’entraîne sa souveraineté. Plus âpre est notre critique, plus violentes et amères sont nos diatribes et plus elles sont approuvées. Mais infime encore est la minorité qui nous suit jusque dans nos conclusions. Celles-ci sont toujours les mêmes : l’Argent, en tant que valeur représentative et d’échange, doit-être aboli. Il est absurde de faire le procès des lâchetés, des bassesses, des vilenies, de la corruption et des crimes dont il est la cause et de reculer devant la nécessité de supprimer cette cause.

Il tombe sous le sens que, en Anarchie, l’argent ainsi que l’or, les billets de banque, les titres et valeurs de toute nature, n’auront plus de raison d’être. Le Communisme libertaire n’aurait, sur le terrain des réalités, aucun sens positif, si, l’opposition entre le tien et le mien ayant disparu, il demeurait possible, à l’aide d’un papier, d’un titre ou d’une monnaie quelconque, d’acheter, de trafiquer, de thésauriser.

En Anarchie, l’Argent, qui signifie aujourd’hui : Fortune, Richesse, Avoir, Capital, Propriété, sera aboli. (Voir ces mots.) — Sébastien Faure.

ARGUMENT n. m. (du latin Argumentum). L’argument est un raisonnement par lequel on tire une conséquence. Ex. : la force est l’argument des tyrans. Le mot argument, par dérivation, a pris également le sens de : preuve. Ex. : tirer argument d’un fait. Dans un raisonnement, le droit est pour celui qui apporte des arguments véritables et irréfragables. Mais les arguments doivent être examinés attentivement avant d’être acceptés. Les juristes bourgeois, pour les besoins de leur cause, ont su forger nombre d’arguments artificiels qui, l’habitude prise, peuvent être confondus à première vue avec de véritables arguments. Il faut avoir soin, pour établir ou pour réfuter un argument, de donner aux

mots leur sens inaltéré et ne pas se laisser prendre au factice de la dialectique dont les jésuites ont su se servir avec tant de succès jusqu’à ce jour. Il faut dépouiller le raisonnement de tout ce qui n’est pas essentiel, poser des prémisses exactes et recueillir la conclusion qui en découle. Aux arguments artificiels et superficiels de la bourgeoisie, les anarchistes opposent des arguments robustes appuyés sur la seule logique et l’examen rationnel des êtres et des choses. La force principale de l’argument réside dans l’entraînement rigoureux des diverses propositions ou parties dont il est composé. (Voir : Dilemme, Paradoxe, Pétition de principe, Syllogisme). D’un argument qui a toutes les apparences de l’exactitude mais est, en réalité, erroné, on dit qu’il est captieux ou sophistique. Il convient, comme nous le disions plus haut, de s’en méfier et de ne l’accepter jamais. Tous ont le défaut de la cuirasse. À l’Anarchiste de découvrir ce défaut et de s’en servir pour ruiner l’argument lui-même.

ARLEQUIN n. m. Arlequin est un personnage comique dont on fait remonter les origines au sannio, bouffon des farces latines, et qui, de la scène italienne, a passé depuis le xviie siècle sur presque tous les théâtres de l’Europe. Il porte un habit composé de petits morceaux de drap triangulaires, de diverses couleurs, un masque noir, et, à la ceinture, un sabre de bois nommé latte ou batte. Le mot arlequin n’a pas tardé à passer dans la langue pour désigner un homme qui change sans cesse d’opinions. Ex. : Les politiciens sont des arlequins.

ARMÉE (). n. f. (de arme). Une des plus nobles institutions qui régissent une nation, » affirment péremptoirement les patriotes. Ensemble des troupes régulières d’un État, se contente de dire le Larousse.

Nous ne saurions, on le suppose, nous contenter d’une définition aussi laconique. Trop courte et aussi trop objective, elle ne peut satisfaire notre légitime curiosité.

Penchons-nous donc sur cette vaste organisation et, sans prétendre, hélas ! tout dire — il faudrait écrire plusieurs volumes pour être complet ! — donnons l’essentiel.

Suivons l’armée à travers les siècles et voyons ce qu’elle représente au point de vue social ; alors seulement, pourrons-nous la définir en ces termes : Armée, ensemble des troupes régulières qu’un État entretient pour sa défense intérieure et extérieure, autrement dit pour la sauvegarde des privilèges de ses riches et de ses gouvernants.

Quelles sont les origines de l’armée ?

Sans crainte de se tromper, on peut dire, on peut écrire que l’armée date du jour où les premiers hommes firent, sur terre, leur apparition.

Il est bien entendu qu’à cette époque qui se perd dans la nuit des temps, nous entendons par armée, non la vaste et puissante organisation d’aujourd’hui, mais l’existence de tribus qui se faisaient la guerre pour manger, se vêtir et… se loger.

Divisés en tribus, nos ancêtres, quasi sauvages, se livraient des luttes perpétuelles dont l’enjeu représentait la nourriture, le vêtement et l’habitat.

Pauvres premiers hommes !

« Leurs armes étaient à l’origine des pierres brutes qu’ils apprirent peu à peu à tailler et à aiguiser en forme de couteaux ou qu’ils emmanchaient dans des bâtons pour avoir des casse-tête. Aussi appelle-t-on parfois le début de l’âge préhistorique l’âge de la pierre. Ils se servaient aussi de flèches et de lances armées d’os pointus ou de grosses arêtes de poissons. Le feu et les métaux étaient alors inconnus.