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des châteaux comme le premier château de Versailles. En même temps, l’art italien envahissait notre pays. Salomon de Brosse construisit pour Marie de Médicis, le palais du Luxembourg. Il plaqua devant l’église St-Gervais, une façade de style jésuite et édifia l’église des Jésuites : Saint-Paul, Lemercier éleva l’église de la Sorbonne, dont le dôme et le péristyle à colonnes corinthiennes étaient tout italiens. Semblablement, le Val-de-Grâce, construit par Lemercier et François Mansart pour Anne d’Autriche. Le style italo-antique était en pleine faveur quand Louis XIV commença son règne. Puis Colbert et Louvois imposèrent aux architectes une rigoureuse discipline dictée par le grand roi. Colbert voulut finir le Louvre et l’architecte Le Vau était sur le point de construire la façade côté Saint-Germain-l’Auxerrois, conformément au projet de Lescot mais Colbert l’en dissuada et adopta le plan de Claude Perrault, médecin, devenu architecte par occasion. Ce nous valut l’affreuse colonnade que tous les parisiens connaissent. Libéral Bruant construisit les Invalides de 1671 à 1674, qui devait être à la fois une caserne et un hospice, Jules Hardouin-Mansart éleva le Dôme à 105 mètres de hauteur. C’est le chef-d’œuvre du genre. Ce fut encore Mansart qui dressa les plans de la place Louis-le-Grand (Vendôme) de la place des Victoires et du château de Dampierre. Son œuvre principale fût le château de Versailles. La façade sur les jardins est l’expression la plus complète du style Louis XIV. Longue de 480 mètres, elle se compose d’un bâtiment central et de deux longues aîles. Un rez-de-chaussée simple et nu supporte le « bel étage » dont les fenêtres en plein cintre, très hautes et très larges, sont séparées par des pilastres. De place en place, un groupe de colonnes supportant un entablement et forment une légère saillie. Le « petit étage » très bas, est couronné d’une balustrade, orné de statues et de trophées. Les toits sont plats. Saint Simon critique : « On croit voir un palais qui a été brûlé et où le dernier étage manque encore ».

À cette époque, l’architecture manque d’originalité et de goût en Espagne. Le palais de Philippe II, l’Escurial, avait, par la masse même de ses pierres de granit et la nudité sévère de ses murailles, une sorte de grandeur triste. Les architectes espagnols adoptèrent ensuite le style jésuite et le style baroque. Ils en exagérèrent même la décoration, la lourdeur fastueuse, la fantaisie déclamatoire.

Puis un siècle de misère morale, d’humiliation et de débauche fit sombrer l’art en France. Moins de grandeur et plus d’agrément, sont les mots donnés à l’architecture, sous Louis XV, on multipliera les boudoirs discrets, les salons joliment ornés. Les architectes inventent ce qu’on appelle le style « rocaille ». Germain Boffrand décore l’hôtel de Soubise, devenu le palais des Archives nationales. Meissonier publie des traités ou recueils d’architecture où il établit les principes du style « rocaille ». Il les applique lui-même et multiplie les inflexions les plus capricieuses. On transforme à Versailles, la galerie Mignard, en cabinets et en boudoirs. J’ai dit que l’architecture vient sombrer dans le boudoir de La Pompadour.

Un seul architecte, Gabriel, mérite la réputation d’artiste. Son talent réalisait cet équilibre parfait de la pûreté classique et de la grâce légère : la décoration de la place de la Concorde, la colonnade du Ministère actuel de la Marine lui doivent leur harmonie et leur simplicité.

Si le xixe siècle fut fertile en des découvertes scientifiques extrêmement intéressantes, s’il fût le siècle où la littérature prit un essor extraordinaire, où les inventions bouleversèrent plus que les révolutions les bases même de la société, si les ingénieurs construisirent des machines et des mécaniques multiples pour le grand

bonheur des humains, l’architecture reste stagnante parmi tous ces progrès. Si le siècle dernier a donné à la France de bons sculpteurs dont les œuvres ornent ou encombrent les voies et places publiques, par contre, il paraîtrait que les architectes ont délaissé leur art si complet, si utile et si séduisant. De bien mauvaises copies seules ont été édifiées et que ce soit le Trocadéro ou le Grand-Palais, vestiges de banales expositions, comme nous sommes loin des merveilles dont il a été parlé au début de cet article !

Nous sommes à un tournant de l’histoire et de la civilisation. De quoi demain sera-t-il fait ? Nul ne peut le prédire et puis, qu’importe… Après une léthargie, le réveil est souvent régénérateur, l’effort demeure en suspension, pour accomplir par la suite, des œuvres que présentement, les intéressés même ne soupçonnent pas. Nous sommes à la veille de temps nouveaux ; du déséquilibre présent, viendra la stabilité future, la révolution latente que nous commençons à subir, s’accomplira fatalement et les idées nouvelles édifieront, j’en suis persuadé, des monuments impérissables dédiés ni aux rois, ni aux dieux, mais bien à la sagesse et à l’admirable conception d’une société organisée pour son bien-être et pour ses radieux lendemains.

Pierre Comont.


ARGENT n. m. (du latin argentum). Métal blanc, brillant et très ductile, sonore, tenace, d’une pesanteur spécifique de 10.44, fusible à la température du rouge blanc (1.000 degrés), malléable, inaltérable à l’air pur. La nature contient une assez grande quantité de ce métal ; quelquefois il se rencontre en masses d’un volume assez considérable, ou dissimulé en particules imperceptibles dans des argiles ou dans des dépôts ferrugineux. L’argent natif contient souvent des traces d’antimoine, d’arsenic, de fer, de cuivre ; les gangues pierreuses de l’argent sont ordinairement le calcaire, le quartz et la barytine. L’argent forme avec l’or et le cuivre des alliages qui constituent les objets d’orfèvrerie et les monnaies. L’alliage d’argent a plus de dureté que le métal pur et conserve mieux que lui les empreintes et les formes qu’on lui a données. On appelle titre de l’argent la quantité d’alliage que la loi permet d’y faire entrer. Le nitrate d’argent est l’argent pur dissous dans l’acide nitrique ou azotique. Le nitrate d’argent est un poison très énergique dont l’antidote est le sel de cuisine délayé dans l’eau.

On trouve des minerais d’argent dans le nord de l’Europe : en Suède, en Norvège, en Russie ; mais les plus riches du monde sont ceux du Mexique et du Pérou. Le bromure et azotate d’argent ont une importance capitale en photographie. Ces notions élémentaires sur l’argent considéré comme faisant partie, en chimie, du groupe des métaux suffisent à nos lecteurs. Elles expliquent en partie pourquoi ce métal a pris place parmi ceux qui sont utilisés comme monnaie d’échange et comme signe représentatif de la valeur des marchandises et de tous objets destinés à la vente et à l’achat.

Dans son sens le plus général, le mot « Argent » est synonyme de numéraire, de valeurs quelconques : or, actions, obligations, billets de banque, etc. « L’argent du Trésor, de la Banque, avoir de l’argent chez soi, de l’argent en caisse, de l’argent placé. Recevoir, toucher de l’argent. Avancer, prêter de l’argent. Attendre après son argent. Dépenser de l’argent. Perdre ou gagner de l’argent dans une affaire. Ne rien faire que pour de l’argent. Payer argent comptant. Faire argent de tout. Être à court d’argent. Courir après son argent. N’avoir pas besoin d’argent. Dépenser un argent fou. Être un bourreau d’argent. Y aller bon jeu, bon argent. Semer l’argent. Plaindre son argent. On voit que le mot argent entre dans une foule de locutions courantes. Il entre