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royale fantaisie, très coûteuse, inutile si le beau pouvait l’être, parce que le château est inhabitable. Les architectes Sourdeau, Pierre Neveu, Cocqueau, Grossier sont des français, et le plan est bien français, aussi. C’est le vieux château féodal, avec son donjon, ses deux cours, ses tours rondes aux angles, même ses machicoulis, avec la forêt de pointes, de lucarnes de pierre, de cheminées, de clochetons dont le sommet se hérisse, comme pour protester contre la sobriété, des toits plats et droits des palais italiens. C’est dans les chapiteaux et les médaillons qu’il faut chercher l’influence d’outre-mont. Les travaux durèrent plus de 30 ans. François Ier, qui n’en vit pas la fin, avait fait construire, dans l’intervalle, beaucoup d’autres châteaux. Sans parler du vieux Louvre dont il ordonna la transformation, il fit commencer en 1528, par Pierre Gadyer, le château de Madrid, démoli depuis, au bois de Boulogne, en 1532, par Jacques et Guillaume le Breton, celui de Villers-Cotterêts, en 1539, par Pierre Cambiches, celui de Saint-Germain ; partout, les noms comme les plans, sont français. Saint-Germain est, de tous ces châteaux, le seul qui ait pour toits des terrasses à l’italienne. Dès 1528 aussi il avait fait travailler à Fontainebleau. Au donjon et à la chapelle qu’on conserva du vieux château de Louis VII, il ajouta successivement, sans plan, de nombreuses bâtisses ; l’ensemble est bizarre, un peu incohérent, mais la décoration intérieure, que François Ier confia à des artistes italiens, le Rosso, le Primatice, est somptueuse jusqu’à la surcharge. Que de châteaux a vu s’élever cette époque : Azay le Rideau, Chenonceaux, œuvre de Bohier et de Phil. Delorme, Chateaudun, Nantouillet, etc., les grands seigneurs, les ministres, s’efforçant d’imiter la magnificence royale ! Il faut citer encore parmi les édifices civils, l’Hôtel de Ville de Paris, qui fût élevé par un architecte italien, Dominique de Cortone. Dans l’architecture religieuse, l’influence de la mode nouvelle se fait sentir à l’abside de St-Pierre de Caen, par des arabesques ; à St-Eustache, par les pilastres et les chapiteaux ioniques ou corinthiens plaqués sur des piliers carrés, même à Saint-Gervais et à Saint-Étienne-du-Mont, où l’altération du style gothique produit les plus heureux effets.

« Sous Henri II, l’influence italienne et classique va dominer. Les ouvrages d’Androuet du Cerceau, qui avait longuement séjourné en Italie, vont enseigner aux contemporains toutes les recettes de l’art romain, et la colonne, les pilastres, les frontons, les voûtes à caissons vont faire leur apparition. On construit, dès lors, d’après les principes, en calculant rigoureusement les proportions, et on conçoit à l’avance des plans d’ensemble majestueux. Les grands architectes du temps, Jean Bullant et Philibert Delorme, ont exposé aussi, en s’inspirant des anciens, la théorie et les principes de leur art. La France continua à se couvrir d’innombrables châteaux, dont la forme générale rappela toujours celle du Moyen-Âge et où les éléments classiques ne se montrent guère que dans la décoration.

« Pierre Lescot, un écclésiastique passionné d’art, qui avait déjà élevé l’hôtel Carnavalet et travaillé avec Jean Goujon au jubé de St-Germain-l’Auxerrois et à la Fontaine des Innocents, avait été chargé par François Ier, de transformer le vieux et sombre Louvre féodal en palais. Il y travailla jusqu’à sa mort et Baptiste Androuet du Cerceau continua après lui. Le nouveau Louvre est classique surtout par l’harmonie de sa décoration sculpturale avec les lignes architecturales, ainsi que par les colonnes corinthiennes, les arcades en plein cintre, les frontons triangulaires ou arrondis qui en ornent les façades. C’est un des chefs-d’œuvre de la Renaissance.

« Philibert Delorme, né en 1515, à Lyon est aussi un

écclésiastique épris d’art antique. Après avoir étudié et dessiné en Italie, il éleva le château de Saint-Maur pour le cardinal du Bellay, puis très apprécié par Henri II, fut chargé par Diane de Poitiers, de construire son château d’Anet. Ce fut son chef-d’œuvre il n’en reste malheureusement que l’entrée monumentale, une aile et la chapelle qu’orna Jean Goujon. La façade, conservée dans la cour de l’École des Beaux-Arts, nous montre la combinaison des trois ordres grecs superposés, qui resta longtemps classique. Henri II lui avait confié la construction du tombeau de François Ier. Il édifia une sorte d’arc-de-triomphe romain, à triple arcade, de style antique et d’harmonieuses proportions. Enfin il commença pour Catherine de Médicis, les Tuileries, dont elle voulait faire un palais à l’italienne, mais les travaux, continués après sa mort, par son collaborateur, Bullant, furent interrompues, en 1572.

« Jean Bullant, l’architecte du connétable de Montmorency, était lui aussi, un grand admirateur de l’antique. Il a orné de portiques romains trois des façades du château d’Écouen et inauguré, par l’emploi d’énormes colonnes allant du sol jusqu’au toit, l’ordre colonial si souvent employé depuis. Mais, chez lui encore, l’influence antique n’est que superficielle et ses constructions sont parfaitement adaptées aux besoins du temps. »

En Allemagne, la Renaissance marque un chef-d’œuvre : le château de Heidelberg, qui, italien par sa décoration, reste encore gothique par son inspiration.

Aux Pays-Bas, l’hôtel de ville d’Anvers situe l’avènement de l’architecture de la Renaissance.

En Espagne, Berruguette, à la fois peintre, sculpteur et architecte, éleva pour Charles-Quint, le palais de Grenade et l’Alcazar de Tolède.

Une longue période suit où la France et l’Europe entière sont en perpétuels états de guerres et de révolutions. Seule l’architecture militaire construit des forteresses et laisse dans le sommeil de l’oubli, les expressions de beauté. Puis en Italie, sous l’influence artistique de Le Tasse, les architectes sacrifièrent le naturel et la simplicité à la recherche de l’effet. Ils adoptèrent le style baroque et le style jésuite. Le style baroque consiste dans l’emploi systématique des lignes courbes au lieu de lignes droites : les colonnes se tordent, les corniches se changent en festons, les façades se boursouflent de saillies inutiles. Le style jésuite est surtout remarquable par la disposition des façades, qui sont chargées de colonnes, pilastres, corniches, statues, et surmontées d’un large fronton que supportent deux consoles retournées. Les voûtes et les murailles intérieures sont richement ornées de sculptures, peintes ou dorées. La grande nef de Saint-Pierre, à Rome, est le chef-d’œuvre de ce style décoratif. On l’appelle style jésuite parce que la compagnie de Jésus, si elle ne l’a pas créé, l’a répandu dans tous les pays catholiques. L’architecte Vignole, avait construit pour les Jésuites, le Jésu, à Rome. Ce fut le style de ce monument que la compagnie de Jésus adopta et agrandit dans toutes les contrées où elle fit bâtir des églises.

L’Angleterre avait tardivement adopté le style de la Renaissance, et les Anglais ont qualifié l’époque de transition le « style perpendiculaire », Elle eut cependant deux grands architectes : Inigo Jones et Christophe Wren, qui construisirent, dans leurs pays, palais et églises.

En France, au temps de Henri IV et de Louis XIII, l’architecture avait encore une certaine indépendance. Lemercier continua la construction du Louvre. On éleva des maisons comme celle de la place Royale (aujourd’hui place des Vosges), des hôtels comme l’hôtel Tubœuf ou Mazarin (Bibliothèque Nationale),