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palais et les maisons, quoique construits avec confort et élégance, le sont avec des matériaux légers, bois, briques, que le temps n’a pas épargnés. Bâtiments où l’on ne fait que passer… les tombes sont des maisons éternelles. Le séjour sur terre est pour les Égyptiens un court voyage, la vraie vie est dans l’autre monde, le séjour des morts seul doit être construit pour l’éternité. C’est toute l’expression religieuse qui guidait ce peuple dans ses manifestations architecturales bien que le réalisme le plus saisissant s’exprime et se dégage de l’art qui entoure les monuments.

Memphis fut pendant 19 siècles une ville puissante, célèbre par sa civilisation et ses monuments. Au centre, le temple de Phtah, autour du temple, des écoles. Partout des villas, des palais, des chapelles se développaient sur plusieurs lieues.

Il n’est rien resté de tant de merveilles. Memphis fut la carrière qui devait construire Le Caire. Blocs par blocs ses monuments furent détruits. Seule, la ville des morts a survécu. Cette nécropole sur la rive gauche du Nil ne s’étend pas sur moins de 73 kilomètres ; elle donne une idée de ce que dût être l’importance et la durée de Memphis. C’est sur la lisière du désert un immense cimetière. Ce champ des morts est dominé par les trois grandes pyramides de Gizeh ; Chéops, Képhren et Mykérinos au Sud-Ouest, et par le Sphinx au Nord-Ouest.

À l’Est, des pyramides plus petites, destinées aux filles et aux fils des rois. Vers le sud, à Saggarah, la plus vieille de toutes les pyramides, non loin de laquelle Mariette a retrouvé le Sérapéum, ou tombeau des bœufs Hapi. Au pied des tombeaux royaux, et plus nombreuses, les tombes des particuliers, riches bourgeois ou grands seigneurs : les mastabas.

Les trois grandes pyramides sont celles de rois de la quatrième dynastie Égyptienne. Chéops éleva la plus haute : 147 mètres. Képhren a 138 mètres. Mykérinos est la plus petite, malgré qu’elle n’ait que 66 mètres ; avec les pierres qui le forment, on pourrait construire un mur qui ferait le tour du département de la Seine ! Le Pharaon faisait commencer sa pyramide l’année même de son avènement au trône, on y travaillait jusqu’à sa mort. Elle était construite par assises successives en retrait les unes sur les autres. La pyramide montait chaque année et prenait des proportions en rapport avec la durée du règne. Dès que le roi mourait, on remplissait les degrés, on la revêtait de stuc en ménageant, sur la face nord, une entrée qui devait être soigneusement dissimulée, et une pointe dorée la surmontait. Que de vies humaines furent sacrifiées pour élever ces gigantesques entassements de pierre ! Aussi les vingt et un rois dont les tombeaux sont les plus hauts furent-ils les plus exécrés pour les corvées terribles qu’ils imposèrent à leurs sujets.

La pyramide ne contient que le puits et le caveau ; elle n’a pas, comme les tombeaux ordinaires, une chambre funéraire. Toutes les pyramides furent violées, déjà du temps des Pharaons eux-mêmes. Nous continuons à voir à notre époque la profanation des sépultures égyptiennes. Le pillage des tombeaux est une industrie courante et chaque nation envoie des gens enlever les trésors ensevelis avec les morts. C’est, du reste, à cette violation que l’histoire doit les plus précieux renseignements sur la vie, les mœurs et l’architecture égyptienne. Les Anglais, qui étaient parvenus à se procurer la momie de Mykérinos, l’ont laissée maladroitement tomber à la mer en l’emportant.

Les mastabas nombreux sont des espèces de bancs de pierre, des tertres de 4 à 10 mètres de haut qui, de loin, paraissent une pyramide tronquée ; au sommet, une plateforme unie, où se trouvent en quantité des vases pointus destinés à désaltérer le mort.

À Saggarah, près de Memphis, Mariette, en 1851, découvrit le Sérapéum, vaste temple souterrain servant de sépulture au bœuf Hapi. Le sable enlevé, on découvrit une grande avenue bordée de sphinx, puis, au bout d’un an de travail, on se trouva dans une grande galerie à espace libre et dans ces vastes souterrains creusés dans le roc, passer en revue toutes les chambres où étaient déposés les sarcophages gigantesques des Hapi.

Au pied, des pyramides se trouve la statue la plus ancienne de l’Égypte : le sphinx de Gizeh. Il est taillé en plein roc, au bord extrême de la montagne ; « on dirait qu’il hausse la tête, pour être le premier à découvrir, par dessus la vallée, le soleil, son père ». Il a vingt mètres de haut, son oreille a deux mètres ; sa bouche, deux mètres trente-deux. Il était enterré jusqu’au cou dans le sable quand Mariette le découvrit. Ce fut M. Maspéro qui acheva de le déblayer.

Le Musée du Louvre possède de fort belles et anciennes statues provenant des ruines de l’ancienne Memphis dont celle de Sépa, prêtre du taureau blanc, de sa femme, Nésa, celles de Rahotep et de sa femme, Nefert la Belle. Le Scribe accroupi révèle chez l’artiste égyptien un procédé qui donne à la statue une intensité de vie attirante. Il a incrusté dans un morceau de quartz opaque une prunelle de cristal de roche, piquée en son milieu d’un bouton métallique. L’œil tout entier est ensuite enchassé dans une feuille de bronze, sans paupières, ni cils.

Thèbes, qui succéda à Memphis, fut la plus merveilleuse cité de l’antiquité. Encore aujourd’hui, prodigieuse dans ses ruines, sur l’emplacement des villages modernes de Louqsor et de Karnak restent encore les ruines de deux temples, reliés entre eux par une allée dallée de granit. Sur la rive gauche du Nil, à Abydos, la nécropole de Thèbes, le Ravin des Rois. Un édifice important, le Ramesseum, s’élevait à la gloire de Ramsès II. Près de cet édifice, était le groupe du temple et du palais de Médinet-Abou ; le temple à degrés de Deir-el-Bahari, le temple de Gournah ou maison de Séti, et, sur la limite du désert, les fameuses statues d’Aménophis-III, surnommées colosses de Memnon.

Le temple de Karnak était dédié à Ammon.

Ce temple égyptien n’est pas un monument bien délimité, construit sur un plan rigide comme les monuments grecs ou romains. On bâtissait d’abord un sanctuaire au dieu, puis on y ajoutait d’autres constructions ; de nouvelles annexes venaient s’y juxtaposer sous les dynasties suivantes. Il pouvait donc s’étendre sans fin sans être jamais achevé. Le temple de Karnak couvrait une lieue et comprenait onze temples différents. Ses ruines sont les plus vastes qui soient au monde.

Il était entouré d’une quadruple ceinture de murailles qui le défendait contre les voleurs et les impurs ; dans l’enceinte de ces murailles étaient les habitations des prêtres, des magasins de vêtement, des magasins de grains, de fruits, des boulangers, etc…, et enfin les cabanes des serviteurs du culte.

À l’entrée de la première enceinte était une porte immense, rectangulaire, flanquée à droite et à gauche de deux énormes tours en forme de pyramide tronquée, couverte d’inscriptions. Ces tours qui encadraient la porte et la formaient avec elles le « pylône » était larges de 113 mètres, épaisses de 15 mètres, hautes de 15 mètres ; elles étaient creuses et contenaient des chambres. Devant le pylône étaient des obélisques, longues aiguilles de granit de 20 à 30 mètres, toutes couvertes d’inscriptions (tel celui de la place de la Concorde, à Paris, qui a été amené de Louqsor). Entre le pylône et l’obélisque, et adossées à la porte, il y avait