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seul génie, contre une société toute-puissante qui faisait incarcérer les imprimeurs soupçonnés de travailler à la publication des Provinciales.

Un des plus grands écrivains de notre temps, celui qui a l’insigne honneur d’ouvrir le dix-neuvième siècle par une belle apologie du christianisme, a dit que l’auteur des Provinciales ne fut qu’un calomniateur de génie[1]. L’illustre écrivain que nous osons contredire, peut-être en sa présence, a méconnu la conscience de Pascal et flatté son génie aux dépens de sa vertu.

Oui : il y a autre chose qu’un mensonge immortel dans un livre qui a tellement répondu à la conscience publique, qu’il a suffi pour tenir en échec durant un siècle la puissance des jésuites, demeurant devant eux comme un acte permanent d’accusation jusqu’au jour où, par une réaction naturelle, ils furent exclus de France et de tous les pays de la chrétienté.

Enfin, ne l’oublions pas : au-dessus de la question de la grâce il y en avait une autre qui n’a point vieilli pour nous, celle de la liberté de conscience. Si l’on se reporte au temps de Pascal, l’on verra que les jésuites étaient les représentants et comme les janissaires du pouvoir absolu dans l’empire de l’intelligence et des croyances. Venus au opposition avec l’esprit d’examen de la réforme protestante, ouvriers d’une œuvre impossible, ayant pour mission de faire rentrer dans le réseau de l’unité catholique les ailes déployées de l’esprit humain, ils tenaient pour con-

  1. Études historiques de M. de Chateaubriand, tom.IV.
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