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la grâce aux dépens de la liberté humaine. Ils avaient tort peut-être ; ce n’est pas ce qu’il nous importe le plus de savoir.

Nous ne rappellerons pas les circonstances dans lesquelles le docteur Arnauld, le grand théologien de Port-Royal, fut traduit devant la Sorbonne, sous l’accusation d’avoir adopté[1] quelques points, déjà censurés par le saint-siége, de la doctrine de Jansénius. Les jésuites poursuivaient de tout leur crédit la condamnation d’Arnauld, et ses amis lui conseillèrent d’opposer à leur influence une défense qui s’adressât au public. Mais l’écrit qu’il composa dans ce but ne leur ayant pas paru assez piquant pour captiver l’attention publique, Arnauld, s’adressant à un jeune homme qui était présent : « Vous qui êtes jeune, lui dit-il, vous devriez faire quelque chose[2] ».

Ce jeune homme était Pascal, et en faisant quelque chose pour la défense d’Arnauld, il produisit un chef-d’œuvre immortel.

Que dire des Provinciales qu’on n’ait déjà dit ? Que dire après Mme de Sévigné, qui les comparait aux beaux dialogues de Platon ; après Boileau, qui mettait l’auteur de ce livre au-dessus des anciens et des modernes ; après Bossuet, déclarant que c’était l’ouvrage qu’il eût préféré avoir fait ; après Voltaire, y trouvant ce que Molière a de plus comique et ce que l’évêque de Meaux a de plus sublime ? Ces Lettres qui n’étaient d’abord qu’un pamphlet dans lequel Pascal déploya tout ce que la raison a de plus fin, et l’ironie de plus gracieux et de plus irrésistible, devinrent par degré les plus

  1. Particulièrement dans son écrit intitulé : Seconde lettre à un duc et pair.
  2. Recueil de pièces, etc., pag. 278.