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au travail des mains et à l’étude des saintes lettres, chacun s’efforçait de renouveler dans sa vie les merveilles des premiers siècles chrétiens ; et plusieurs, tels que Lemaître de Sacy, d’Andilly, Arnauld, Lancelot et Nicole, unissant l’érudition à la piété fervente, rouvraient les sources primitives de la science sacrée et de la spiritualité chrétienne, et composaient pour l’instruction de la jeunesse des ouvrages dont le solide mérite n’a point été surpassé.

Les solitaires de Port-Royal ne communiquaient plus avec le monde que par la pensée, mais leurs écrits s’y répandaient, et il y avait de nombreux lecteurs pour ces livres empreints de la morale la plus élevée et revêtus d’un style simple et grave qui, succédant aux productions recherchées de l’époque précédente, avaient tout le charme d’une belle nouveauté.

Cette autorité de la science et de la vertu devait naturellement porter ombrage à une corporation qui prétendait à la domination universelle des âmes ; et dans plus d’une rencontre déjà les jésuites s’étaient montrés les adversaires avoués de Port-Royal, lorsque la question de la grâce vint donner carrière à toute leur inimitié. Sans nier le libre arbitre ni la responsabilité morale qu’il implique, les solitaires de Port-Royal avaient fait comme tous ceux qui prétendent opérer la réforme de la religion ou la régénération des âmes : frappés de l’étendue de la corruption qu’ils veulent guérir, effrayés des faiblesses de la volonté et de l’infirmité de la raison, ils s’efforcent en quelque sorte d’enlever à l’homme le gouvernement de lui-même et de le placer sous la direction immédiate de Dieu. Ainsi, comme Luther et Calvin, mais avec moins d’excès, Jansénius, Saint-Cyran et Arnauld avaient exagéré la part de