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sigeant avec les passions humaines pour les ramener à eux alliant dans leur doctrine, avec une souplesse infinie, les sentiments les plus opposés ; à la fois détachés du monde et se mêlant à ses intrigues ; les plus humbles des hommes et les plus impérieux ; les plus sévères et les plus bénins ; les plus austères et les plus relâchés ; plus jaloux du nombre de leurs prosélytes que de leur perfection, ils avaient singulièrement élargi la voie du salut.

Mais de cette étrange conciliation entre les prescriptions de la religion et les vices du monde était née une science qui, sous prétexte d’accommoder la loi religieuse aux exigences du temps et de rendre la dévotion plus populaire en la rendant plus facile, avait corrompu la morale : c’était la nouvelle casuistique, science nécessaire et légitime dans son principe, qui existait avant les jésuites, mais dans laquelle plusieurs de leurs docteurs eurent le tort d’introduire des subtilités et des raffinements inouïs. Lorsque Ignace de Loyola, proposant à ses disciples le double exemple de Marthe et Marie[1], leur recommandait d’être à la fois des hommes du monde et des hommes du cloître, en réunissant en eux-mêmes ce qu’il y a de meilleur dans la vie active et dans la vie spirituelle, il était loin, sans doute, de penser que son institution produirait d’aussi mauvais fruits.

Du même besoin de restaurer la religion affaiblie dans les âmes s’était formée ou plutôt s’était reconstituée une sorte de communauté animée d’un esprit entièrement opposé : c’était Port-Royal.

Ce ne fut d’abord qu’une petite maison de religieuses,

  1. Vie d’Ignace de Loyola, par le P. Bouhours.