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mière enfance, deviné l’art des vers, comme son frère avait trouvé la géométrie. Douée d’une imagination brillante, cultivant la poésie avec agrément, recherchée dans la société, elle n’avait d’abord prêté qu’une attention distraite à la voix sévère et douce de la religion ; mais dès qu’elle l’eut mieux écoutée, elle y trouva tant de charmes, qu’elle quitta tout à fait le monde qui lui faisait de riantes promesses, et résolut d’être religieuse à Port-Royal.

Touchante destinée de cette digne sœur de Pascal ! Quand son frère, laissant s’éteindre son premier enthousiasme, eut abandonné ses projets de retraite et de perfection pour revenir aux études de la science, qu’il se fut en même temps livré pour la première fois à toutes les dissipations d’une existence mondaine, qu’il se trouva engagé dans le chemin de l’ambition, sollicité de toutes parts de prendre femme et d’acheter une charge, et qu’enfin, déjà à demi consumé par les longs travaux de son esprit, il éprouva la vanité de la science et l’insupportable dégoût de la société, ce fut sa sœur Jacqueline, alors à Port-Royal, qui soutint à son tour ses pas chancelants et le ramena à la vie religieuse.

Elle a retracé, dans une lettre[1], la situation d’esprit où se trouvait Pascal au moment de sa seconde conversion. Elle nous initie aux confidences de ce cœur malade à faire pitié, à la fois détaché du monde et sans attrait vers Dieu, et qui, dans cette double solitude, réduit à ses propres forces, regrettait amèrement de n’éprouver plus sur la religion les mêmes sentiments qu’autrefois. Elle nous dé-

  1. Lettre à Mme Périer. — Voy. Recueil de plusieurs pièces pour servir à l’histoire de Port-Royal ; Utrecht, 1740.