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gique[1]. Pascal apporte cette règle souveraine de son esprit jusque dans les mouvements les plus passionnés de son éloquence, jusque dans cette plaisanterie comique qui a rendu populaires, comme la meilleure pièce de Molière, les Lettres à un provincial.

Il ne faut pas croire, d’ailleurs, que des facultés si vives et si brillantes fussent tellement emprisonnées dans les sciences abstraites, qu’elles s’en soient dégagées comme par enchantement pour s’élancer tout d’un coup dans le domaine de l’imagination et de la philosophie morale. L’esprit humain n’admet pas ces subites et complètes transformations, et les travaux de Pascal durent être, dès sa première jeunesse, variés comme ses facultés mêmes.

En même temps qu’il contribuait au mouvement scientifique de son époque ; qu’il appliquait à la géométrie et à la philosophie naturelle l’infaillible rigueur de son esprit ; qu’il composait son traité des coniques, et ouvrait la théorie du calcul des Probabilités en définissant les propriétés du Triangle arithmétique ; qu’il inventait sa machine à calculer merveille stérile, témoignage inouï d’une fantaisie opiniâtre et sublime, et accomplissait ses expériences sur l’équilibre des liqueurs et la pesanteur de l’air, il faisait une étude particulière d’Epictète et de Montaigne ; il se préoccupait des problèmes inhérents à la nature même de l’esprit humain, et cette accumulation continue des trésors de la pensée devenait la préparation naturelle du grand écrivain. Pascal s’était arrêté avec une sorte de préférence sur Épictète et Montaigne (d), parce qu’il y trouvait les deux extrêmes

  1. Tom. II, pag. 70 (édition en cinq volumes in-8o)