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chap. vi. — l’ours gris

le moindre service d’argent on se quitte et l’on ne se salue plus.

« Ici, au désert, on ne prête pas son argent, on donne sa vie.

« Ainsi, mon cher Wilhelm, portons secours à ces malheureux, s’il en est temps encore, et souvenons-nous qu’il faut faire pour autrui ce que nous voudrions qu’on fît pour nous. »

Ainsi à plus de mille lieues de mon pays, au milieu de ces solitudes sans fin, j’entendais encore un homme, presqu’un enfant de la nature, répéter ces belles paroles que mon tant regretté Berchtold et que le baron, mon digne protecteur, avaient si souvent fait entendre à mon oreille. Tant il est vrai que la morale pure n’a pas de patrie et qu’elle est innée au cœur de tous les hommes loyaux et honnêtes.

Nous approchions rapidement, en marchant sur les traces de l’ours dont le large pied recouvrait à chaque instant les pas des Indiens : on voyait qu’il les suivait de près. Arrivés à peu de distance des rochers que nous avions aperçus de loin, nous entendîmes des cris et des exclamations de rage mêlés à des grognements formidables. Une lutte terrible avait lieu derrière le roc