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chap. xx. — excursions dans les prairies.

supplice devait avoir lieu le jour même et il pensait qu’un véritable Peau-Rouge ne pouvait se dispenser d’assister à une telle cérémonie.

Pour moi qui n’étais Indien que de costume et d’existence, mais qui avais conservé les sentiments d’un Européen et d’un chrétien, mon cœur se serra à ce récit, et je laissai l’Indien presser son cheval et partir seul.

« Encore une victime humaine, me disais-je, encore du sang versé, et pourquoi ? Parce que ce malheureux chasseur a tendu ses pièges sur l’un des bords de la rivière au lieu de les tendre sur l’autre. Si j’avais été dans le village lors de l’expédition, j’en aurais fait partie et j’aurais peut-être évité ce conflit sanglant qui amène aujourd’hui de si cruelles représailles. Je connais la loi des prairies : œil pour œil, dent pour dent, et les guerriers tués réclament en holocauste la vie de celui qui les a immolés pour défendre son existence menacée. »

Tout en réfléchissant ainsi, et laissant aller mon cheval à sa fantaisie, j’étais arrivé aux limites du village ; j’entendais l’infernale musique de la danse du scalp, les vociférations des femmes et des enfants, les hurlements des chiens, et je sentais la fumée âcre et piquante du bûcher allumé.