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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

Champlain, de Maisonneuve, Joliette, Dollard et Montcalm ?

Mais ces réminiscences du passé semblent m’entraîner loin de cet humble récit de voyage, et me faire oublier le phare de la pointe de l’Ouest où, au milieu de la canonnade qui nous avait accueillis le matin, j’avais remarqué la voix vibrante d’une pièce assise sur un affût de gazon. Ce canon ne ressemblait nullement à celui que le ministre de la marine fait livrer aux gardiens de lumière. C’était un spécimen de l’artillerie anglaise du XVIIe siècle, pièce longue, en fer battu, pesant 2,800 livres. Elle avait été ramassée, il y a une vingtaine d’années, sur les brisants qui font face au phare. À cette époque, elle était entourée de plusieurs autres canons qui, à marée basse, servaient aux chasseurs d’outardes et de canards pour les aider à défiler le gibier. Mais petit à petit, ces témoins muets d’une autre époque disparurent. L’an dernier, il ne restait plus que deux de ces puissants engins de guerre : encore, n’asséchaient-ils que lors des grandes marées, et ils finirent à leur tour par être entraînés en eau profonde, lors de la débâcle du printemps. M. Malouin m’assura, qu’au jusant de la grande mer le voyageur qui se promènerait en chaloupe dans les environs, apercevrait encore une foule de ces pièces qui détachent sur le vert sombre des algues marines leurs longs cous rouillés et couverts de coquillages.

Quel terrible drame s’est donc passé sur cette pointe de brisants ? et qui jamais viendra raconter les péripéties de ce désastre ?

Je l’ai dit, ces pièces d’artillerie sont anglaises, et elles ressemblent à s’y méprendre aux canons du XVIIe siècle que l’on montre encore dans la