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LES ÎLES DANS

une pauvre mère dont l’épitaphe porte pour toute légende les mots :

Alice Wright.
September 22 years : 1865.

Rien de triste comme cette jeune femme abandonnée avec ses enfants dans cette solitude, et n’ayant pour tout regret que les gémissements du flot qui déferle à quelques pas.

Deux années plus tard, lors de ma troisième croisière dans le golfe Saint-Laurent, en faisant une nouvelle visite à cette tombe, en compagnie de plusieurs amis, nous vîmes que la mort, cette grande pourvoyeuse, avait envoyé une nouvelle compagne à la pauvre Alice Wright. C’était une petite fille de dix ans, du nom de Béliveau, qui, un matin de juin, s’en était allée jouer dans les bois d’alentour, pendant que ses parents défrichaient une terre nouvelle. Après les courses sur l’herbe, la cueillette des rares fleurs sauvages de l’île, et les chasses données aux petits oiseaux, la pauvrette se sentit fatiguée. Un nid de verdure s’offrait au milieu d’un taillis à quelques pas de là : elle s’y blottit pour ne plus se réveiller que parmi les anges ; car son père, étant venu mettre le feu à ces broussailles, brûla vive sans le savoir son unique enfant !

Cette navrante histoire avait coupé la verve à mes compagnons de route, et maintenant que je songe à ces choses, je me rappelle que pour nous en distraire, nous acceptâmes la proposition du docteur de la Terrière, que nous avions trouvé sur l’île, en mission officielle. Le gou-