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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

Le soir de ce jour-là, l’indien proposa au père de descendre à terre pour y faire du feu. Ce dernier y consentit, avec d’autant plus de plaisir que la bise était mordante. Mais étant monté sur un monticule de glace pour examiner les alentours, le sauvage profita de ce que le père avait le dos tourné, pour gagner le bois avec son enfant.

La mort seule pouvait maintenant mettre fin à cette série de catastrophes. Abandonné de tous, le P. Crespel s’appuya sur le canon de son fusil, remit ses peines entre les mains de Dieu, et récita les versets du livre de Job. Pendant qu’il priait ainsi, il fut rejoint par Léger. Avec des larmes dans la voix, ce dernier lui annonça que son camarade Furst était tombé d’épuisement à une distance considérable de là, et qu’il avait été obligé de le laisser sur la neige.

En ce moment, un coup de fusil retentit. La forêt s’ouvrait à quelques pas de là. Léger, que le courage n’avait pas encore laissé, décide le père récollet à l’y accompagner, et au moment de s’y engager, un deuxième coup de feu se fait entendre. Rendus de plus en plus prudents par l’expérience, les deux abandonnés se gardent bien d’y répondre. Ils marchent, se guidant sur l’endroit d’où viennent ces détonations : et bientôt, ils débouchent dans une clairière où fumait la cabane d’un chef indien.

Ce brave homme leur fit le plus touchant accueil, tout en leur expliquant l’étrange conduite du guide du P. Crespel, qui ne les avait ainsi abandonnés, que par crainte du scorbut, de la variole, et du « mauvais air. »

Enfin, ceux-ci étaient sauvés ! mais tout n’était pas fini. Furst restait en arrière. Le Père Crespel offrit en cadeau son fusil au chef pour