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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

maigre provision est déjà consumée, et le froid devint si intense cette nuit-là, que le sieur Vaillant père fut trouvé mort sur son lit de branches de sapin. Il fallut songer à changer de cabane et à déblayer celle du P. Crespel. Elle était la plus petite, et pouvait être plus facilement chauffée. On ne peut imaginer rien de plus navrant que le sombre défilé qui se fit alors : les moins écloppés portant sur leurs épaules MM. de Senneville et Vaillant fils qui tombaient par morceaux, pendant que Le Vasseur, Basile et Foucault, ayant les extrémités gelées, se traînaient sur leurs coudes et sur leurs genoux.

Le 17 mars, la mort vint mettre un terme aux souffrances de Basile ; et le 19, Foucault, qui était jeune et d’une grande force musculaire, s’éteignit après une agonie terrible. Les plaies de ces malheureux ne pouvaient être pansées qu’avec de l’urine, et des lambeaux de vêtements arrachés aux pauvres morts servaient de charpie aux vivants. Douze jours après ces deux départs, les pieds de MM. de Senneville et Vaillant se détachèrent en putréfaction ; mais, au milieu de ces douleurs et de cette infection, ils ne cessaient de mettre leur confiance en Dieu et d’unir leurs souffrances à celles du Christ. Le P. Crespel était ému de cette foi inébranlable et de cette résignation sublime qui semblaient se refléter sur les autres ; car, au milieu de toutes ces horreurs, pas un mot de découragement ne se fit entendre. Chacun essayait d’apporter à son voisin quelques distractions ou quelques douceurs ; et ce fut ainsi que le 1er avril, en allant à la découverte du côté où les canots d’écorce étaient cachés, Léger ramena au camp un indien et sa femme.

C’étaient les premières figures humaines qu’on