Page:Faucher de Saint-Maurice - Promenades dans le golfe Saint-Laurent, 1886.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
LES ÎLES DANS

février, un coup terrible vint foudroyer le camp. Le capitaine de Freneuse s’en était retourné vers Dieu, au milieu des prières de l’Extrême-Onction. Puis, ce fut autour de Jérôme Bosseman ; puis, à celui de Girard ; puis, au maître-canonnier qui, avant de mourir, abjura le calvinisme. Chacun, avant l’heure suprême, se confessait au P. Crespel, et s’éteignait saintement dans la résignation. Quand tout était fini, les moins faibles se levaient, traînaient au dehors les cadavres de leurs camarades, et les amoncelaient dans la neige, à la porte de la cabane. Nul n’avait la force d’aller plus loin.

Les éléments conjurés luttèrent avec ces angoisses terribles. Le 6 mars, une tempête de neige se déchaîna sur l’île et écrasa sous une avalanche la cabane du P. Crespel, le forçant à venir se réfugier dans celle des matelots, qui était plus spacieuse. Là, pendant trois jours, ils furent retenus prisonniers par l’ouragan, sans pouvoir allumer du feu, n’ayant rien à manger, ne se désaltérant qu’avec de la neige fondue, et voyant périr de froid cinq de leurs camarades. À tout prix, il fallait sortir de ce tombeau. En unissant leurs efforts, ils réussissent à déblayer la neige et vont alors aux provisions. Hélas ! le froid est piquant. Un quart d’heure suffit pour geler les pieds et les mains de Basile et de Foucault, qu’il faut rentrer à bras dans la cabane. Grâce cependant au dévoument de ces deux hommes, une ration de trois onces de colle vint rompre ce jeûne de trois jours ; mais elle fut mangée avec tant d’avidité, que tous faillirent en mourir. Encouragés par l’exemple de Basile et de Foucault, Léger, Furst et le P. Crespel courent au bois pour en remporter quelques fagots. Dès huit heures du soir cette