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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

avait pris, en un mois, 90, 628 livres de flétan qui, vu l’encombrement du marché, ne lui avaient rapporté pour cette courte croisière, que deux mille cinq cent trente-trois piastres. Il y a deux espèces de flétan, ajoutait le capitaine Johnson : l’une est blanche et se vend habituellement seize cents la livre, l’autre est grise et se donne pour onze cents.

Malheureusement, comme cela arrive presque toujours en Amérique, lorsqu’un mineur cupide frappe un filon qui rapporte, il finit par le gâter avant de lui faire donner son rendement. Il en a été de même pour la pêche au flétan dans les eaux canadiennes. Les Américains l’épuisent chaque année, et la conséquence inévitable de cette destruction, sans relâche, a été la baisse toujours croissante du prix de ce poisson recherché qui, s’il n’est protégé par une sage législation, finira par disparaître. Ce qui se vendait en 1873 pour seize et onze cents, ne valait plus en 1876 que neuf cents et demi et cinq cents et demi, et dernièrement encore la goëlette l’Arequipa appartenant à la maison Rowe et Jordan, commandée par le capitaine Dowdell, rentrait à Gloucester, après une station de treize jours dans le golfe Saint-Laurent, avec un chargement de 32,000 livres valant $2,100. La part seule du cuisinier, pour ces treize jours d’ouvrage se montait à $155, et celle de chaque homme d’équipage à $119.

Depuis la signature du traité de Genève, les armateurs et les pêcheurs américains ont le droit de venir vivre et faire fortune, où nos pêcheurs canadiens ne trouvent que le moyen de végéter et de se traîner dans la misère et la routine. Deux goëlettes américaines, assure le commandant Lavoie, dans son rapport de 1875, entrèrent