Page:Faucher de Saint-Maurice - Promenades dans le golfe Saint-Laurent, 1886.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
LES ÎLES DANS

maître de céans nous attendait pour nous souhaiter la bienvenue dans son aride domaine, et mettre à notre disposition son fils, dans le cas où nous aimerions à escalader les huit étages du phare, solide construction en pierre qui trône majestueusement au milieu de ses dépendances, de sa poudrière, et de son abri à canon, et qui, de la hauteur de ses 75 pieds, semble narguer les tempêtes de la rose des vents. Nous profitâmes de la bienveillance de notre nouvel ami, montant, grimpant, soufflant, touchant à tout, demandant des explications sur tout, jusqu’à la minute où il nous ramena sains et saufs, mais hors d’haleine sur les galets de la grève.

Le soleil était alors à son couchant, et je n’oublierai jamais le spectacle qui nous ravit ce soir-là. La tour détachait sa façade blanche sur les teintes pourpres de l’occident. Au loin, la mer dormait, et son immense respiration venait mourir au pied des roches moussues que frangeaient de légers flocons d’écume. Debout, dans la porte cintrée du phare, entouré de sa famille qui l’écoutait anxieuse, Ferdinand Fafard, tête nue, la main tremblante, lisait d’une voix qui voulait paraître ferme une lettre que nous lui apportions de l’un de ses fils. Le lecteur pesait gravement chaque mot, savourait à longs traits chaque ligne, s’interrompant pour jeter de temps à autre, par dessus ses lunettes, un regard sur son auditoire attentif.

Cette scène touchante aurait mérité les honneurs de la peinture.

Fermez les yeux et groupez autour de Fafard brunes têtes de fillettes, jeune homme au teint hâlé, profil de vieille et bonne ménagère canadienne ; mettez au fond les âpres teintes d’un paysage du Labrador ; semez sur l’horizon une