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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

des descendants des plus anciens pionniers des îles de la Madeleine, Louis Boudraut et François Lapierre, furent obligés — après bien des années de travaux et de privations — d’abandonner à l’amiral Coffin la terre où avaient vécu leurs ancêtres, et que leurs enfants avaient améliorée de leur mieux. C’est ainsi que Fabien Lapierre faillit être dépouillé de tout son avoir. Cet homme s’étant décidé à partir, en 1863, pour explorer la côte nord du Labrador, avait laissé une terre qu’il occupait depuis vingt-cinq ans, aux soins de deux de ses compatriotes, Basile Cormier et Emile Morin. Ils devaient en jouir à la condition de l’entretenir, de payer la rente et de la lui remettre lors de son retour. Pendant la première année tout alla pour le mieux. L’agent avait consenti à recevoir la redevance des deux mandataires de Lapierre : mais dès le commencement de la deuxième année, il refusa leur argent, prit possession de la terre, en faucha le foin, ouvrit de force la maison de l’absent, y mit sa récolte… qu’il n’emporta qu’en hiver, puis vendit le tout, terre et dépendances à Désiré Giasson. L’année suivante, Lapierre revint et réclama. En réponse, l’agent de l’amiral Coffin le menaça de l’empêcher de couper du bois, et lui fit dire que s’il continuait à se plaindre, il le ferait chasser du pays. À force de supplications, ce pauvre homme aidé par les conseils de son curé, l’abbé Boudreault, finit par recouvrer la moitié de sa terre, à la condition toutefois de consentir à un nouveau bail qui l’obligeait à payer annuellement un scheling par arpent.

Quant à l’autre moitié de son bien, elle était restée, et est encore en la possession de l’ache-