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LES ÎLES DANS

rieuse, qui montre aux poissons sa gueule béante : jetez un peu plus loin un rocher percé à jour, en ayant soin de laisser entrevoir à travers son arche les franges bleues de la mer, et vous aurez une marine de ces plus originales.

Bien d’autres voyageurs que nous ont été frappés par l’aspect poétique des îles de la Madeleine. L’un d’eux, le savant amiral Bayfield chargé d’en faire le relevé hydrographique, ne pouvait s’empêcher de consigner en ces termes, dans son « Pilote du Saint-Laurent, » les impressions que lui avait causées l’approche de ce groupe :

— Par une journée chaude et ensoleillée, l’œil ne peut se rassasier de contempler ces falaises multicolores, où le rouge est la couleur dominante, et où le jaune blafard des lagunes de sable fait antithèse au vert tendre des pâturages, au vert sombre des bois, au bleu saphir du ciel et de la mer. Ces contrastes produisent alors un effet extraordinaire, et contribuent à donner à cet archipel un cachet artistique, qu’on ne saurait retrouver aux autres îles au golfe Saint-Laurent. Par les jours de gros temps, lorsque le vent d’est fouette et fait rage, le paysage change, il est vrai ; mais il n’en reste pas moins aussi caractéristique. Alors les pics isolés des îles, leurs falaises échiffées, se glissent, apparaissent confusément à travers la pluie, le brouillard, et semblent reliés entre eux par une ceinture de brisants qui masquent presqu’entièrement les bancs de sable et les lagunes. Garde à vous, matelots ! n’approchez pas alors impunément de la Madeleine. En voulant la serrer de trop près, vous talonneriez, et vous seriez naufragés avant d’avoir pu même éventer le danger.