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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

rendrye, d’Espervenche, de la Corne de Saint-Luc, de Marolles, de Pécaudy de Contrecœur, de Saint-Blin, de Villebond de Sourdis, de la Durantaye ; et celles des nobles et puissantes dames de Saint Paul de Mezières, de Sourdis et de Senneville. À côté de ces noyés de haute lignée, flottaient épars les corps des grenadiers des régiments du Béarn et du Royal Roussillon, glorieux débris échappés aux batailles des plaines d’Abraham et de Sainte-Foye, pour servir de pâture aux requins du golfe Saint-Laurent, et blanchir de leurs os les rives désertes du Cap Breton.

Franchement, le cigare que je fumais ne me tournait pas les idées à une folle gaieté. J’en secouai les cendres sur le plat-bord et, le lançant à la mer, j’allais essayer de jeter avec lui l’étrange vision qui m’obsédait, lorsque j’aperçus le ravissant groupe des îles de la Madeleine. Le soleil était à son couchant, et les collines rouges qui bordent la grève, se détachaient admirablement sur le vert des prairies qui prenaient une teinte mordorée, sous les rayons solaires. Le steamer entrait dans l’Anse-à-la-Cabane. En face de nous était le phare : et un peu à gauche, le village acadien éparpillé le long du demi-cercle formé par la crique. Tout autour du Napoléon III des barges aux voiles peintes en rouge couraient chargées de poissons, et laissaient arriver sur la grève. Ou ferlait la toile : puis on démâtait ; et tout aussitôt de robustes pêcheurs au teint hâlé, aux bras nus, faisaient chaîne et jetaient la morue, le hareng, le homard aux femmes qui les ramassaient et les empilaient sur le rivage. Dessinez à l’extrémité de ce paysage une petite grotte, sombre, mysté-