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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

William Pepperell, petit marchand dont l’enseigne se trouvait à Kittery Point, un des bourgs ignorés de la Nouvelle Angleterre. Puis, pendant que de braves diplomates s’occupaient à rendre le Cap-Breton à la France, en retour de Madras prise par de la Bourdonnaye, l’orgueil du vieux sang gaulois me montait à la figure, en songeant que nous n’avions pas toujours été les vaincus de ces parages, et que longtemps avant la chute de Louisbourg, longtemps avant le traité d’Aix-la-Chapelle, un capitaine du port de Dieppe avait, avec une poignée de matelots, forcé lord James Stuart de se rendre prisonnier, et de remettre entre les mains du capitaine Claude le fort du Port-aux-Baleines, où cet aventureux seigneur écossais était venu planter l’étendard du roi d’Angleterre[1].

À mesure que ces rêves de jadis passaient devant moi, pour aller se perdre au milieu des spirales bleuâtres de la fumée de mon cigare, ces fanfares de guerre, ces bruits devenaient de moins en moins distincts. Bientôt ils s’évanouirent. Seule, je n’entendis plus que la grande voix de la mer qui, à son tour, venait me raconter les mystérieux épisodes qui se sont déroulés au pied des falaises du Cap-Breton. Devant mes yeux épouvantés passa alors comme l’éclair, un navire démâté, pourchassé par un ouragan du sud-est. Sur son tillac, je distinguais les mâles figures des jésuites Lallemand, Noyrot et de Vieuxpont, et j’entendais l’équipage consterné chanter d’une voix tremblante le Salve Regina, pendant que le vaisseau affolé

  1. Stuart fut amené en France au mois de décembre 1629, et remis entre les mains de Richelieu.