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LES ÎLES DANS

il était sud, avec risées et nuages menaçants. Dans l’après-midi, le firmament offrait un aspect terrible : les nuages paraissaient se heurter les uns contre les autres, et tourner dans toutes les directions. Vers quatre heures p. m., nous commençâmes à entendre des coups de tonnerre dans le lointain. Un quart d’heure après, la foudre et la pluie étaient dans leur plein déchaînement. Le vent se mit au N. O. Je sortis, et fis le tour des bâtiments, afin de voir si tout était en bon ordre. Tout à coup, il était alors 9½ heures, j’entendis un bruit terrible. En tournant mes regards dans la direction d’où il partait, j’aperçus un spectacle qui me fit frissonner de la tête aux pieds : à moins d’un quart de mille de l’endroit où je me trouvais, je vis, vers l’ouest, des roches, de la terre, de l’eau et des arbres s’élever en tourbillonnant dans l’air, jusqu’à une hauteur de plus de 100 pieds. J’examinai attentivement la trombe, pour voir quelle direction elle prendrait, et constatai avec terreur qu’elle traversait l’anse en se dirigeant sur moi, et qu’elle allait probablement emporter le logement dans sa course furibonde. Ma mère, une sœur sourde-muette, les domestiques étaient dans la maison, et j’avais deux hommes occupés aux champs. Je courus les avertir. En route, une rafale se déchaîna autour de moi, emportant dans l’espace une pierre meulière, des roches et des arbrisseaux. Le corps principal de la trombe était près de moi : je courus avec toute la vitesse de mes jambes vers le logement, et criai aux deux hommes qui étaient dans le champ de me suivre. Ils me parurent terriblement effrayés ; l’un d’eux n’eut que le temps d’entrer dans la maison. Comme nous franchissions le seuil de la porte, il se fit une obscurité aussi