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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

vent du nord-Ouest, il avait été obligé de courir quinze lieues dans le sud-est, et s’était ainsi approché « de trois îles, desquelles y en avait deux petites droites comme un mur, en sorte qu’il était impossible d’y monter dessus, et entre icelles, y a un petit écueil. Ces îles, ajoute ce marin, étaient plus remplies d’oiseaux que ne serait un pré d’herbe, lesquels faisaient là leurs nids, et en la plus grande de ces îles y en avait un monde de ceux que nous appelions Margaux, qui sont blancs et plus grands qu’oysons, et étaient séparés en un canton, et en l’autre part y avaient des Godets… Nous descendîmes au plus bas de la plus petite et tuâmes plus de mille Godets et Apponats[1], et en mîmes tant que voulûmes en nos barques, et en eussions pu, en moins d’une heure, remplir trente semblables barques. Ces îles furent appelées du nom de Margaux[2]. »

Ceci se passait en 1534. Quatre-vingt-douze ans plus tard, en 1626, Champlain croisait dans ces parages, et ne constatait plus que la présence de deux îlots, au lieu des trois relevés par Jacques-Cartier. L’un s’était effondré dans la mer, et ses habitants surpris par ce cataclysme, avaient tourbillonné un instant sur le gouffre qui venait d’engloutir leur domaine ; puis, oublieux comme tout être créé, ils étaient partis à tire-d’aile pour aller demander l’hospita-

  1. On les nomme perroquets, aujourd’hui ce palmipède est le grand macareux du nord.
  2. Discours du voyage fait par le capitaine Jacques-Cartier, en la terre du Canada, dite Nouvelle France, en l’an 1534, p. 4.À Rouen — de l’imprimerie de Raphaël du Petit Val — MDXCVIII