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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

trique des manœuvres pour sortir de leur prison d’osier. Quant aux terres-neuves, ils n’y mettaient pas tant de façons. Dès qu’ils avaient flairé un de ces malheureux homards, ils le happaient hardiment et allaient le déposer sur la grève.

En mer, cinq heures peuvent apporter bien des changements. Le temps, qui s’était mis au beau, fut de nouveau gâté par l’impitoyable brume. À tire d’aile, elle accourait du large. La houle s’était refaite ; elle devenait creuse, et bien qu’elle n’offrît aucun danger, comme la baleinière remorquait une longue échelle, et que le vent soufflait dans une direction opposée à la marée, nous arrivâmes couverts d’embruns au Napoléon III.

En accostant, les hommes se défendirent mal. Nous faillîmes emplir : et la vague poussa l’impudence jusqu’à s’approprier la casquette d’Agénor Gravel, qui s’en vengea, en parodiant le fameux vers de Racine :

Le flot qui l’emporta recule épouvanté.

L’alexandrin de Théramène fut la seule oraison funèbre que reçut cette vieille amie de vingt ans.

En voyant venir le brouillard, Têtu craignit que nous eussions quelques difficultés à retrouver la route du steamer ; et, prenant sa boussole, il avait tenu à nous faire la conduite. Fermement assis sur le banc d’un esquif long de dix pieds, qu’il gouvernait comme une plume au moyen de deux légers avirons, il vint ainsi jusqu’au Napoléon III. Nous sachant alors en