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LES ÎLES DANS

signe accepté, et ils devaient alors se remettre aveuglément à sa discrétion. Malheureusement, les confédérés s’égarèrent sur le fleuve. Ce ne fut qu’au point du jour, qu’ils purent rejoindre leur guide près de la pointe de l’île d’Orléans. Sous sa conduite, ils descendirent en voiture le long de la côte nord jusqu’au Saguenay ; puis à pied jusqu’à Moisie, où, au printemps, ils s’embarquèrent sur une goëlette que Têtu commanda pour l’occasion. Cet excellent marin, profitant alors d’une tempête qui rendait la mer intenable, put courir déposer ses passagers à bord d’un croiseur qui les attendait dans le golfe.

L’esprit d’aventure, le goût de la solitude faisaient de notre ami, un homme on ne peut plus apte à remplir les fonctions de gardien de lumière. Les longs quarts de nuit qu’il lui fallait faire, lui permettaient de se livrer à ses études favorites sur l’histoire naturelle. Il aimait son phare comme un chasseur d’Afrique aime son cheval arabe. Une partie de la journée se passait à l’astiquer et à le mettre en ordre : puis, quand la besogne était terminée, quand l’hiver était venu et que sa lumière avait été éteinte — le vingt décembre — alors commençait la saison des chasses et des explorations. Vite, on chaussait les raquettes. Les fusils étaient démontés et nettoyés, les pièges éprouvés, et bientôt, le jarret solide et alerte, enveloppé dans une chaude vareuse, on voyait Têtu, la carabine sur l’épaule, portant avec lui des provisions pour plusieurs jours, prendre la lisière du bois ou le long de la grève, et aller déclarer une guerre sans merci aux loutres, aux ours et aux renards gris, rouges, noirs, et argentés. Rarement ce nouvel Œil-de-Faucon reve-