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LES ÎLES DANS

eût ramené la tristesse sur nos fronts, en étouffant le soleil dans sa chape de plomb.

Je ne le cache pas, ce fut avec un sentiment d’indéfinissable plaisir que nous débarquâmes à la pointe sud. Plongés dans cette demi-obscurité, ne respirant que moiteur et humidité, la vie du bord était devenue pour nous d’une monotonie désespérante. Invariablement, la conversation roulait sur le vent qu’il faisait, et sur celui qui soufflerait le lendemain. L’œil se fatiguait à interroger l’horizon qui restait muet. Les uns avaient un faible pour le baromètre, et le consultaient constamment. D’autres n’avaient foi que dans les sondages, et se dressaient à chaque instant, comme des points d’interrogation, devant l’officier chargé de cette délicate opération. Le soir, chacun s’endormait du sommeil du juste, en faisant des rêves, dont les moins farouches leur montrait le Napoléon III passant à toute vapeur sur le corps des navires, assez imprudents pour se trouver sur son passage.

Dès le petit jour, une seule interrogation partait de tous les coins du carré :

— Raphaël, quel temps ce matin ?

— De la brume, messieurs, encore de la brume, toujours de la brume ! répondait le maître d’hôtel, tout en veillant à ce que la table fût préparée pour le déjeuner.

Et les heures, succédaient ainsi aux heures, sans que le jour pût voir le jour.

Nouveau Lazare, le soleil enfin quitta son linceul ! Il était là, se mirant dans la mer ; et nos yeux purent se reposer sur autre chose que