Page:Faucher de Saint-Maurice - Promenades dans le golfe Saint-Laurent, 1886.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
108
LES ÎLES DANS

Jamais de ma vie je n’ai va quelque chose de plus triste et de plus navrant que ces tombes d’inconnus qui demeurent là sans prières ; et pour oublier ces tristesses, nous prîmes le parti de nous rendre à la gracieuse invitation de madame Pope. Chez elle une charmante surprise nous attendait. Sur une table, au milieu du salon de la tour, étaient éparpillés une foule de croquis, d’études et de dessins signés par mademoiselle Grace Pope. Ces ébauches indiquaient non-seulement les plus heureuses dispositions pour la peinture, mais elles prouvaient que cette enfant de treize ans avait un talent remarquable pour l’art statuaire. On nous fit voir un modèle en argile d’une matrone romaine agenouillée, qui certes, par l’élégance de la draperie, la pureté des lignes et la finesse du travail, n’aurait pas fait honte aux débuts de certains artistes à la mode. Les uns admiraient, j’étais du nombre. D’autres hasardaient de timides conseils. Pendant ce temps-là, madame Pope faisait à ses hôtes une distribution de zoophytes, de coquilles, et ce ne fut que lorsque nous eûmes repris la haute mer, que nous pûmes compter nos trésors, et bien nous rappeler les attentions délicates de cette hospitalité.

Notre départ avait été précipité. Du haut du phare, le capitaine avait vu un banc de brume se former à l’horizon, et à peine avions-nous couru une bordée au large, qu’il fallut capéer. Déjà le brouillard nous enveloppait, pour ne plus nous quitter qu’après quatre-vingt-sept heures.

Bien de triste comme cette nuit en plein jour qui parfois, ne permet pas à un matelot de distinguer son voisin sur le pont. Autour de lui,