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LE GOLFE SAINT-LAURENT.

ses champs, ses étables, ses exploitations. Tout en faisant son devoir, il ne rougit pas d’employer le temps de manière à laisser à ses enfants une fortune assez rondelette, qu’il leur léguera un jour avec l’amour de l’économie et du travail.

À quelques arpents du phare de la pointe sud-ouest se trouve la cabane d’un pauvre colon du nom de Fortin. Il vint nous demander si nous avions un prêtre à bord.

— Depuis trois ans, nous disait-il, ma femme et moi nous n’avons pas entendu la messe. C’est une bien grande privation pour un catholique !

Il devait se passer encore trois longues années avant que le pieux désir de Fortin pût se réaliser.

Ce fut un des aumôniers de notre troisième croisière, M. l’abbé Marcoux, qui eut le bonheur de s’acquitter de cette mission, et d’offrir le saint sacrifice dans cet humble cabanon, pendant qu’un de ses confrères changeait la hutte voisine en confessionnal.

En me reportant ainsi vers le passé, je me rappelle la surprise qu’éprouva Agénor Chavel, en retrouvant parmi les plus fervents pénitents de l’île, une de ses vieilles connaissances, le père Luc Marolles.

Depuis trente-six ans le père Luc habitait l’Anticosti. Il avait été l’ami de Gamache ; avait trappé et couru en tous sens les bois et les rivières de l’île. Ce n’était pas à ce métier-là, paraît-il, que saint Augustin recueillit les notes qui servirent plus tard à rédiger sa Cité de Dieu. Ce qui venait à l’appui de cette hypothèse, c’est que des mauvaises langues prétendaient avoir vu le père Luc tituber, comme Noé dans ses plus belles vignes. D’autres avaient ouï-dire, qu’il ne se gênait pas de jurer comme un