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à la brunante.

bien que ce fût à cœur de jour, car j’étais sûr que Marguerite, bonne et souriante, me crierait, le soir venu :

— Eh ! comment cela va-t-il, Michel, puisqu’on fait de la farine, il n’est que juste de manger son pain blanc le premier. Avance ici, et viens-t’en causer auprès de mon rouet.

Marguerite était une petite orpheline que l’oncle Labrèque avait un jour recueillie dans le chemin du roi. Une vieille mendiante battait la pauvrette qui ne pouvait plus marcher ; l’oncle lui offrit alors une piastre française si elle voulait lui céder la petite. Ce fut marché conclu ; la vieille alla se soûler avec son argent, et l’orpheline, élevée pieusement par les soins du parrain Juste, grandit tranquillement loin des mauvais traitements et de la triste pitié des grandes routes.

Sous les murs du vieux moulin, elle avait retrouvé l’ombre de sa famille perdue.

La charité que lui fit mon parrain, la pauvre Marguerite me l’a bien rendue depuis ; car sa voix douce ne ménageait ni les conseils ni les bonnes paroles ni les tendres avis.

À force de l’entendre prendre sur moi son petit ton d’autorité, j’avais fini par l’aimer avec tant d’ardeur que je l’aurais suivie au bout du monde, avec mon gilet enfariné, ma petite casquette toute saupoudrée de poussière de blé, et cela sans sourciller ; car si Marguerite était affectueuse, belle et