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à la brunante.

la patrie, les efforts de Montcalm, les victoires de Lévis essayant de replanter chez nous la hampe du drapeau blanc que les Anglais avaient remplacé par leur ennuyeux chiffon rouge.

Alors on vivait autrement ; c’était déshonorant pour un habitant que de donner la main à un John Bull, et maintenant on fait des courbettes à l’envahisseur, ce qui prouve que le vieux sang français s’affaiblit dans nos veines.

On aime mieux prendre des professions que se mettre à la charrue comme autrefois, et m’est avis qu’en fourrant dans la tête de notre jeunesse l’idée d’être avocat, médecin, notaire, les gouverneurs suivent des instructions secrètes venues de Londres, dans le but de nous faire disparaître petit à petit. Remarque une chose, Henri ; pour se défaire des sauvages on leur donne l’eau de feu ; pour effacer la race canadienne-française, on lui retirera sa charrue et son champ.

Je les déteste, vois-tu ces Anglais, bien que je les aie servis ; et tu en sauras la raison plus tard : qu’il me suffise de te dire qu’alors s’ils n’étaient pas si nombreux qu’aujourd’hui, ils étaient plus à craindre. On nous haïssait, au lieu qu’on nous caresse maintenant ; car l’habitant connaissait leur côté sensible, et il savait se passer des produits britanniques. Son champ, son fusil, sa ligne et son métier suffisaient pour tous les besoins de la maison. Partout le gibier foisonnait ; on ne brûlait pas les forêts à tort et à travers, sous prétexte de colonisation, de potasse et