Page:Faucher de Saint-Maurice - À la brunante - contes et récits, 1874.djvu/75

Cette page a été validée par deux contributeurs.

67
belle aux cheveux blonds.

monde appelle le médecin des pauvres ; puis tout à coup un éclair étrange passa dans sa prunelle vague ; il fit un geste terrible et, d’une voix brisée :

Analyseurs damnés, abominable race,
Hyènes qui suivez le cortège à la trace
          Pour déterrer le corps ;
Aurez-vous bientôt fait de déterrer les bières
Pour mesurer nos os et peser nos poussières :
          Laissez dormir les morts !

Mes maîtres, savez-vous, qui donc a pu le dire ?
Ce qu’on sent quand la scie avec ses dents déchire
          Nos lambeaux palpitants ?
Savez-vous si la mort n’est pas une autre vie.
Et si, quand leur dépouille à la tombe est ravie,
          Les aïeux sont contents ?

Ah ! vous venez fouiller de vos ongles profanes
Nos tombeaux voilés, pour y prendre nos crânes ;
          Vous êtes bien hardis !
Ne craignez-vous donc pas qu’un beau jour, pâle et blême,
Un trépassé se lève et vous dise : — « Anathème ! »
          Comme je vous le dis.

Vous imaginez donc, dans cette pourriture,
Surprendre les secrets de la mère nature
          Et le travail de Dieu ?
Ce n’est pas par le corps qu’on peut comprendre l’âme :
Le corps n’est que l’autel, le génie est la flamme.
          Vous éteignez le feu !


Le fou avait su donner à ces vers de la Comédie de la mort de Gauthier, un tel accent de l’autre monde que le frisson en serait passé sur le scalpel d’un athée-médecin.