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belle aux cheveux blonds.

Toutes les têtes fortes de première année faisaient cercle dans cette mansarde, où l’épaisse fumée de leurs brûle-gueules se trouvait mal à l’aise. Ils étaient tous là, Pierre Michon, Edmond Talbot, Edward O’Brien, Luc Renvoizé, Prudent Furois, Robert de la Durantaye et bien d’autres, — dont les noms m’échappent maintenant, — riant, crachant, fredonnant, s’étudiant à prendre les poses les plus délabrées, et ne travaillant guère, car Jérome Migneault venait de faire son apparition sur le seuil de la porte, tenant sous son bras trois bouteilles de Old Rye, et à la main quatre boîtes de sardines en conserves, qu’il avait, à force de diplomatie, arrachées à la mère Sweeney, la vieille épicière du coin.

En un clin-d’œil, Cazeaux, Orfila, Trousseau, Churchill, Wilson, Hunter, Grisolles, etc., toute la file de ces auteurs soporifiques autant que scientifiques était allée s’endormir sous les meubles d’Ulric Bertrand, à côté d’une vieille trousse Mathieu.

Le quart-d’heure de Rabelais venait de sonner pour eux, car on se préparait à confectionner une bross, mot parfaitement acclimaté dans le vocabulaire des étudiants en médecine, et pendant qu’Edmond Talbot, le seul de ces messieurs qui fût propriétaire d’un tire-bouchon, se disposait à travailler, Ulric Bertrand, voyant Jules faire mine d’aller se coucher, reprit la conversation interrompue par l’arrivée des produits commerciaux de la mère Sweeney :

— Comment se fait-il que l’on ne t’ait pas encore vu à la dissection, Jules ?