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le baiser d’une morte.

songeai à m’éloigner, et à revenir vers ceux qui m’attendaient depuis une quinzaine.

Je retrouvai notre petit Joseph déjà grandelet ; ses dents étaient faites, et j’ai toujours pensé qu’il était étonnant comme ces chers êtres croissent vite. On dirait qu’ils ont hâte de laisser bien loin — en arrière — cet âge où l’on ne se sent pas si plein de bonheur et si exempt de soucis, pour se jeter corps et âme dans les chagrins et les tribulations.

Cela nous montre, Mathurin, que l’homme est véritablement créé pour la souffrance et pour l’expiation.

Mon chagrin était profond, et pour la petite famille plongée dans mon triste deuil, tout allait tranquillement et bien uniment ; il y avait un peu plus d’aisance qu’autrefois, et moins de joie bruyante, voilà tout.

Cela aurait duré longtemps, si nous n’avions pas eu à passer par la nuit du deux novembre 1840, et c’est ici, mon pauvre Mathurin, qu’il va te falloir me prêter ton attention, car il n’est pas donné à tous les hommes de voir et de comprendre les terribles choses que je veux te confier.

Cette journée du deux novembre s’était passée silencieuse et sombre, comme la douloureuse fête que l’on célèbre en ce temps-là.

Après la messe, j’étais allé seul, au cimetière, faire une visite à mes amis de jadis, pendant qu’Ursule se rendait à la maison pour préparer le dîner. Le soir venu, nous avions dit les psaumes de la Pénitence,