Page:Faucher de Saint-Maurice - À la brunante - contes et récits, 1874.djvu/353

Cette page a été validée par deux contributeurs.

345
histoire de tous les jours.

verre d’eau de l’Évangile. Ils coulent lentement dans la vie, se dirigeant peu à peu vers l’éternité, et finissent bientôt par être le torrent qui entraîne et porte l’âme purifiée vers son Dieu.

Paul fut enterré pieusement et pauvrement par les soins de Mademoiselle Jeanne, l’amie de sa sœur, devenue ma ménagère. Sa tombe gît, me dit-on, au cimetière Belmont, car le jour de l’enterrement je partis accompagnant l’évêque dans une tournée pastorale.


Le lendemain de ce récit, je cherchais vainement, au milieu des croix plantées à la fin de novembre et au commencement de décembre, celle sous laquelle Paul était venu s’abriter.

Les économies de Mademoiselle Jeanne n’avaient pas été assez fortes pour lui permettre le luxe d’une modeste pierre funéraire, et bien que le fossoyeur eût reçu l’ordre et l’argent nécessaires pour mettre le signe consolant chargé d’annoncer au vivant le lieu où un frère était passé, Paul, enterré dans la fosse commune, avait été négligé, oublié du croque mort.

Autour de moi, les fleurs agaçaient les papillons ; les oiseaux gazouillaient, l’herbe poussait touffue et baignée par le soleil. Je tombai, agenouillé au hasard dans le champ des tombes. Ma tête s’inclina au milieu de mes souvenirs, et ardemment je priai pour