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histoire de tous les jours.

moindre mouvement de rotation imprimé par le bras nerveux de la cabale et de la coterie politique.

En recevant sa nomination, Paul avait quitté, malgré moi, la retraite où je l’avais prié de venir s’abriter contre les mauvais jours.

Il logeait maintenant rue d’Aiguillon, dans un garni où, moyennant une modeste rétribution mensuelle, on lui avait loué deux chambres petites, proprettes, bien aérées et perchées sur le bord d’un toit d’où l’on apercevait — aux jours de soleil — l’un des plus ravissants paysages du Canada : la vallée de St. Charles, avec sa rivière bleuâtre, ses chantiers de construction et ses collines de gazon portant sur leur dos les blancs villages de Charlesbourg et de Lorette.

Là, dans ce nid, heureux et content, il vivait tranquillement, sous l’œil de Noémie qu’il avait fait passer à l’externat du couvent.

C’était maintenant une grande et brune fille, pleine de santé, à l’œil vif, au teint rosé, à l’esprit enjoué, à l’âme sainte. Entre ses heures d’études, elle préparait les deux repas de son frère, faisait son petit ménage, le matin, pendant que Paul était allé au marché : trouvait encore le temps de faire quelque peu de raccommodage ; puis, le pied alerte, le nez au vent, partait trottinant vers les Ursulines, livres et cahiers sous le bras.

Le soir venu, on causait sans amertume, sans préjugés, sans partialité, des échos du monde qui