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les blessures de la vie.

demain, probablement, le facteur de la poste viendra frapper chez vous.

Humble fonction, classée au rang des plus humbles de l’administration, c’était elle que Paul devait remplir dorénavant, grâce à la munificence de l’honorable M. Bour.

Ce qu’une éducation parfaite, une solide instruction, des manières distinguées, des liens de reconnaissance n’avaient pu obtenir de l’intrigant député, tout occupé de son dangereux rival, M. Tardif, la menace d’un nouveau point noir, prêt à surgir au bord de son horizon politique, l’avait arraché du pusillanime ministre.

Paul commença sur-le-champ à remplir sans fausse honte, sans murmures, les devoirs de son infime charge.

Il avait l’exquise modestie des âmes véritablement supérieures, et, en débutant dans la vie, pauvre, sans influence, sans protecteurs, il s’était énergiquement dicté d’avance ce qu’il devait faire sur terre.

Je dis énergiquement, car il en faut de l’énergie, plus qu’on ne le pense, à celui qui, de gaieté de cœur, se décide à immoler ses rêves de jeune homme, à sacrifier le rang que pouvaient un jour lui donner ses études consciencieuses pour venir, au nom du pain quotidien assuré à ceux qu’il aime, engrener son talent et ses aptitudes au milieu des rouages d’une administration presque toujours lente à découvrir le vrai mérite, presque toujours prête à obéir au