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les blessures de la vie.

M. Bour avait terminé sa toilette : à midi sonnant, il devait avec ses collègues se rendre à l’Hôtel du Gouvernement, pour y prêter serment en qualité de ministre des Postes. Sa tenue était achevée ; sa chemise à jabot étincelante, son habit superbe, son pas souple comme sa conscience : tout chez lui décelait l’homme arrivé.

Il me reçut avec l’exquise politesse du parvenu — lui assis, moi respectueusement debout — et, de ce petit geste de tête habituel aux ministres, me mit en demeure de lui expliquer brièvement l’objet de ma visite.

Le dialogue ne fut pas long ; je revenais lui rappeler ses promesses de protection envers Paul.

Le moment était venu de le placer, et, comme il faut toujours faire vibrer quelque corde cachée, je lui fis entrevoir dans le lointain la silhouette d’un mien cousin qui pourrait bien avoir quelque velléité de se présenter dans le comté où l’Honorable ministre devait retourner faire sanctionner par ses constituants l’acceptation de son portefeuille.

M. Bour me promit tout ce que je voulus.

Le mois suivant, le nouveau ministre était acclamé, et son retour en ville nous fut annoncé par une longue enveloppe cachetée au timbre du département des Postes, et portant l’adresse de M. Paul Arnaud.

La reconnaissance s’était fait jour à travers cette nature momifiée par l’ambition, et le ministre s’était enfin souvenu de l’homme modeste, à l’éloquence et