Page:Faucher de Saint-Maurice - À la brunante - contes et récits, 1874.djvu/339

Cette page a été validée par deux contributeurs.

331
histoire de tous les jours.

des doigts, pendant que j’allais rejoindre Paul, au pied de l’escalier.

Silencieux, nous reprîmes le chemin du logis.

Une profonde misanthropie nous y attendait ; décidément cette soirée avait eu l’effet d’un verre grossissant où se reflétaient l’homme et ses incompréhensibles faiblesses.

Chez Paul, qui avait eu à souffrir plus que moi des suites de la bêtise humaine, elle se traduisait par un silence dédaigneux. Quant à moi, j’étais en colère perpétuelle avec moi-même, pour avoir mis tant de persistance à conduire à ce bal le pauvre blessé.

Cela aurait duré assez longtemps, si un matin je n’avais jeté les yeux sur le « Drapeau de l’Union. »

En tête de son premier-Québec se détachait ce jour-là, en caractères gigantesques, ces mots toujours avidement accueillis :


CHUTE DU MINISTÈRE.


Le Parlement, s’ennuyant de voir à sa tête les mêmes hommes, s’était payé la veille le joli plaisir de les basculer, et, parmi la liste des nouvelles puissances du jour, figurait orgueilleusement le nom de M. Bour.

Sans souffler mot de mon projet, je sautai sur mon chapeau et d’un trait courus à la résidence du fortuné mortel.