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les blessures de la vie.

nous nous préparions à sortir du dernier salon, lorsque je me heurtai sur M. Bour qui venait de la salle des rafraîchissements.

— Toujours passant la vie agréablement, me dit-il, en me serrant la main avec les démonstrations de la plus franche amitié.

Puis, apercevant Paul qui, en le voyant venir à moi, s’était brusquement éloigné :

— Tiens, je ne savais pas que M. Arnaud avait l’habitude de voguer en si haut parage. Je lui ai déjà prédit qu’il ferait son chemin.

— Il n’y a pas à en douter, M. Bour, puisque vous-même l’aviez jugé digne de votre protection.

— Bien, mon ami, bien ; je vous remercie de me rappeler ce léger défaut de mémoire ; je crois, en effet, lui avoir dit, il y a quelques mois, que j’essaierais de le placer au Département des Travaux publics. Mais, mon cher, il m’a été impossible de rendre ce service à votre ami : entre nous, j’avais dans les jambes mon ancien rival d’élection qu’il fallait caser de toute nécessité. Je l’ai fait disparaître, et, Dieu merci, j’ai le champ libre aujourd’hui. Vous comprenez ma position, n’est-ce pas ? D’ailleurs, tout n’est pas perdu ; il se présentera bien encore une autre occasion.

Cet incroyable cynisme dépassait tellement ce que j’avais vu de plus complet en ce genre qu’il me prit par surprise, et à peine trouvai-je une réponse au bonsoir que l’imperturbable député me jeta du bout