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les blessures de la vie.

délicat qui caractérise les cœurs sensibles, les excellentes qualités et les hautes capacités de Paul ne manqueraient pas de la frapper.

J’allai, écoutant distraitement la musique des quadrilles, le froufrou des robes de soie, les éclats de rire de la foule, songeant au bonheur que les riches pouvaient semer ici-bas, lorsqu’ils daignaient se rappeler la sainte pensée d’un philosophe :

— Combien de malheureux peuvent être consolés avec peu ! la poussière de fleurs ne suffit-elle pas aux abeilles ?

Insensiblement, cette promenade sentimentale m’avait ramené à mon point de départ.

Paul était encore assis à l’endroit où je l’avais quitté ; Madame Raimbault organisait un lancier.

— Comment, Paul, que fais-tu là ? au milieu de ces joies, de ces bruissements, tu te dresses comme une statue de la mélancolie.

— Je rêve aux curieuses choses qui défilent sous mes yeux depuis un quart-d’heure.

— Mais il s’agit bien de rêver ! il faut danser, mon ami ; je parie que tu as refusé de le faire jusqu’à présent.

— Je n’accepte pas, car je perdrais ; Madame Raimbault a voulu insister, il y a un instant, sur un quadrille : malheureusement, elle n’avait sous la main que deux Canadiennes-Françaises, jolies comme le sont nos compatriotes, mais s’obstinant à causer anglais entre elles et tenant particulièrement à manifester leur regret que les faaast daaances ne fussent