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histoire de tous les jours.

Je le rencontrai au moment où il s’engageait dans la ruelle qui mène au cloître des Ursulines.

Je ne sais si son air de profonde tristesse me frappa ; mais, flairant quelque chose d’inusité, je l’arrêtai.

Après quelques hésitations, Paul m’annonça tout ce qui s’était passé, et je venais de lui faire promettre d’abandonner pour quelque temps sa résolution et d’accepter l’hospitalité de mon garni, lorsque M. Bour, l’air affairé, une liasse de papier sous le bras, — pour la tenue — sortit de son bureau, situé près de là, et nous aborda, souriant, la bouche en cœur :

— Je causais précisément de vous, hier, avec un ministre, dit-il, en s’adressant à Paul. Je lui ai dit que c’était un véritable crime de laisser végéter dans le journalisme une intelligence aussi bien faite que la vôtre pour briller dans l’administration. Comme il lui fallait un secrétaire pour son département, il s’est engagé à mettre ce poste à votre disposition.

Paul était tellement pétrifié d’étonnement que sa mémoire ne pouvait plus lui fournir aucune parole de remerciements.

M. Bour attendit un instant l’effet de ses paroles ; puis, pressé par un de ses clients, il s’éloigna, en lui faisant un signe amical du bout de la main :

— Ne soyez pas si timide, jeune homme ; ce n’est que simple reconnaissance de ma part.

Joyeux nous ne fîmes qu’un bond chez moi.

En route, Paul échafaudait rêves sur rêves.